Donald Trump ingénieur du désordre

2973


Comme à son habitude, Donald Trump s’était montré catégorique le jour de son investiture, le 20 janvier. « A partir d’aujourd’hui, notre pays sera de nouveau prospère et sera de nouveau respecté dans le monde entier. Nous susciterons l’envie de toutes les nations, et nous ne permettrons plus jamais que l’on profite de nous », avait-il assuré.

Cent jours plus tard, le républicain, qui avait hérité, de son prédécesseur, d’une économie en bonne santé, l’a plongée par une guerre commerciale aussi radicale que brouillonne dans une incertitude qui nourrit des craintes de récession et de reprise de l’inflation. Après avoir opéré un revirement total sur le dossier ukrainien en adoptant, en bonne partie, la rhétorique de Moscou, Washington apparaît incapable de peser sur le cours d’une guerre que le président se faisait fort de stopper en vingt-quatre heures. Le silence américain concernant la tragédie en cours à Gaza, où Israël a repris unilatéralement une guerre effroyable, est tout aussi alarmant.

En s’en prenant méthodiquement à ses alliés et en mettant fin brutalement à une aide internationale cruciale pour les pays les plus pauvres de la planète, le président des Etats-Unis inspire désormais moins le respect que le malaise et l’inquiétude. En un temps record, il a profondément abîmé l’image des Etats-Unis.

Le président américain, Donald Trump, à Warren (Michigan), le 29 avril 2025.

Impopularité grandissante

Le trouble est également alimenté par l’épreuve à laquelle Donald Trump soumet les institutions de son pays. Alors qu’il peut se prévaloir d’une chute drastique du nombre d’entrées illégales de migrants, une autre de ses promesses de campagne, les méthodes employées pour expulser ceux jugés indésirables piétinent gravement les principes élémentaires du droit. Il n’hésite pas à user de l’intimidation et des outils de l’Etat fédéral contre des ennemis intérieurs supposés, qu’il s’agisse d’avocats ou d’universités. Le Congrès accepte sans broncher que les Etats-Unis soient désormais gouvernés par décrets, alors que le parti du président est majoritaire dans les deux Chambres.

Après avoir dénoncé les outrances d’un « wokisme » progressiste, le voici qui en impose à présent un autre, frappé d’un conservatisme étriqué et revanchard. L’assaut désordonné conduit par l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, contre les dépenses de l’Etat tarde à produire des résultats autres que la pagaille. La science, enfin, est désormais considérée avec suspicion.

Ce bilan d’étape confus produit déjà une impopularité qui devrait servir de signal d’alarme à une administration et à un Parti républicain d’une servilité confondante. Cette impopularité témoigne de l’interprétation excessive faite par Donald Trump d’une réélection nette, sans être massive. Les électeurs qui l’ont porté au pouvoir n’avaient manifestement pas souscrit au projet que ce dernier s’efforce de mettre en place.

Il est pourtant peu probable que le président des Etats-Unis apprenne des erreurs de son début de mandat. Les difficultés rencontrées pourraient plutôt le pousser à la surenchère, d’autant qu’il peut compter sur une base qui ne lui a jamais fait défaut, même aux pires heures de sa carrière politique. Cette obstination rend encore plus nécessaire un discours de vérité sur les errements de cette présidence tout en tirant les leçons de la défaite de novembre. Mais le Parti démocrate, qui devrait le porter, en semble pour l’instant incapable, hélas.

Le Monde

Réutiliser ce contenu



Source link