Dessiner, c’est déjà faire des maths

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Quelle émotion que de visiter l’exposition Maurits Cornelis Escher [1898-1972] à la Monnaie de Paris ! Je connaissais déjà une bonne partie de ses œuvres à travers les innombrables reproductions diffusées un peu partout sur Internet, mais voir les originaux, présentés de manière exceptionnelle, c’est tout autre chose. Le nom de cet artiste néerlandais n’est peut-être pas connu de tout le monde, mais une demi-douzaine de ses gravures le sont presque universellement. Ses frises, ses figures impossibles, ses mises en abyme : tout cela est si empreint de mathématiques que nombre de ses œuvres ont accompagné mes recherches en géométrie depuis quelques décennies.

On peine à croire qu’il affirmait n’avoir aucune compétence en mathématiques. Pourtant, assez tôt dans sa carrière, il s’est inspiré des frises de l’Alhambra de Grenade (Espagne) et les a métamorphosées en des compositions remarquables, où les pièces prennent des formes incroyables. Il ne connaissait pas les travaux des mathématiciens du XIXᵉ siècle sur ce que nous appelons aujourd’hui les groupes cristallographiques (qui ne sont pas évoqués dans l’exposition), mais il a su illustrer les symétries d’une manière qui les rend accessibles à tous. Presque tous ses dessins évoquent le vertige de l’infini, d’une façon ou d’une autre. J’ai ainsi entendu un enfant admiratif parler d’infini avec son père face à un tableau.

Le lien avec les mathématiciens date de 1954. Cette année-là, le Congrès international des mathématiciens se tenait à Amsterdam et une petite exposition des œuvres d’Escher y était présentée. Trois géomètres furent frappés par ses dessins et prirent contact avec lui. L’un d’eux, Harold Scott MacDonald Coxeter, lui demanda plus tard l’autorisation d’utiliser deux de ses dessins afin d’accompagner un article de recherche. Escher accepta volontiers et, lorsqu’il reçut un tiré à part de l’article, il écrivit à Coxeter : « Certaines des illustrations m’ont causé un fameux choc. »

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