En dépit des représailles occidentales, l’économie russe fait preuve d’une remarquable résilience. Dans ses dernières perspectives économiques publiées le 30 janvier, le Fonds monétaire international a relevé sa prévision de croissance à 2,6 % en 2024 pour la Russie, soit plus du double de celle établie en octobre 2023 (1,1 %). Une révision à la hausse qui interroge sur l’efficacité des sanctions alors que les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) s’apprêtent à dévoiler de nouvelles mesures.
L’économie russe tire profit de la relance budgétaire massive que représente l’effort de guerre. Le régime de Moscou a augmenté ses dépenses de 30 milliards de dollars (27,74 milliards d’euros) en 2023, sans creuser dangereusement son déficit budgétaire grâce aux recettes du pétrole, pourtant sous sanctions occidentales. Mais l’effet de ces dernières est limité dans une économie mondiale qui n’est plus dominée par les seules puissances occidentales.
La Russie a redirigé ses exportations de gaz et de pétrole vers la Chine et surtout l’Inde, dont les achats ont été multipliés par treize depuis le début de l’invasion en Ukraine, selon les derniers chiffres du think tank finlandais Centre for Research on Energy and Clean Air.
Le plafonnement, par l’Occident, du prix de pétrole russe à 60 dollars le baril est contourné grâce à des flottes fantômes et à des transbordements en pleine mer, qui cachent l’origine de l’hydrocarbure, ou par des facturations par le biais d’entreprises intermédiaires. Un contournement qui vaut également pour les puces électroniques et autres produits dits « à double usage » dont les exportations sont interdites mais qui prennent des chemins détournés via l’Asie centrale ou la Chine, et se retrouvent dans les missiles russes.
« Peu de transparence »
Plusieurs milliers d’entités et de personnes sont également visées par les sanctions. « Mais celles-ci sont difficiles à respecter, affirme Joydeep Sengupta, avocat spécialiste en conformité et enquêtes au cabinet Mayer Brown, car il y a très peu de transparence sur qui contrôle certaines entreprises en Russie. »
A cela s’ajoute l’ambiguïté du concept juridique. « Aux Etats-Unis, il suffit qu’une entreprise soit détenue au moins à 50 % par une entité sous sanctions pour qu’elle le soit, relève Me Sengupta, alors qu’en Europe, la notion de contrôle implique une analyse plus fine et au cas par cas, nécessitant des informations parfois difficiles à obtenir, surtout en provenance de Russie. »
Début septembre 2023, la Commission européenne a publié un guide pour aider les entreprises à identifier les risques de violation des sanctions, en recensant tous les signaux d’alerte possibles. « Il y a encore très peu d’enquêtes lancées dans l’Union européenne par rapport aux Etats-Unis, souligne Me Sengupta. Les Etats membres n’ont pas les mêmes moyens ni les mêmes politiques. » La violation de sanctions n’est passible que de poursuites administratives, et non pénales, et l’amende n’excède pas plusieurs milliers d’euros dans certains pays européens. Le déclenchement d’une enquête dépend aussi de la volonté des Etats : si elle concerne une entreprise hongroise, seul Budapest peut en être à l’origine.
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