La militarisation de la police nationale ukrainienne s’accélère pour pallier le manque de soldats. Dans le Donbass, la brigade Liout (pour « rage », en ukrainien), composée principalement de membres de la police nationale, combat en première ligne pour repousser l’offensive ordonnée par le président russe, Vladimir Poutine, visant à capturer Sloviansk et Kramatorsk. Ces deux villes, brièvement prises en 2014, sont présentées depuis, par la propagande de Moscou, comme des foyers prorusses, et leur occupation constitue un objectif politique crucial pour le Kremlin.
Lorsque l’Ukraine se trouvait sous influence russe, avant la révolution de Maïdan, en 2014, la police nationale (alors appelée « milice ») appartenait aux institutions les moins respectées du pays, car la corruption rongeait ses rangs et qu’elle était instrumentalisée par les forces politiques prorusses. En 2015, la police nationale d’Ukraine est créée en remplacement de la milice, avec un triplement des salaires et la purge d’un quart des agents.
Réagissant à l’invasion russe à grande échelle, en février 2022, de nombreuses unités de la police nationale prennent spontanément les armes. Progressivement, ces unités sont placées sous l’autorité de l’état-major des forces armées ukrainiennes, tout en restant dans le giron du ministère de l’intérieur. De son côté, Liout est constituée le 13 janvier 2023 comme une brigade d’assaut pour former le fer de lance de la contre-offensive de l’été suivant.
Discipline et ordre
« J’ai combattu, en 2014, en tant que volontaire, dans le Donbass », raconte Dmytro, un solide et sympathique gaillard de 45 ans, barbe fournie et tempes grisonnantes, devant la maison qu’il loue, non loin du front, avec huit camarades de son régiment d’artillerie, tous en treillis. « Dès 2014, il était déjà clair, pour moi, que la Russie n’allait pas s’arrêter là et voulait conquérir toute l’Ukraine. » « Iourist » (« Juriste », son nom de guerre) a tout de suite repris les armes le 24 février 2022 pour défendre Kiev. « Au début de l’invasion, les Russes se battaient comme des merdes. Ils sont arrivés avec leur uniforme de parade, pensant que le tour serait vite joué. Maintenant, ils sont beaucoup mieux préparés, hormis la viande [les prisonniers envoyés sur le front] », explique ce commandant adjoint d’un régiment de mortier.
Dmytro ne montre guère d’estime pour des envahisseurs dont il abhorre le comportement : « Le sol de cette maison était recouvert d’ordures jusque-là [il désigne son genou], quand nous y sommes entrés. Ils vivaient comme des porcs. » Le village a été occupé pendant quatre mois par les troupes russes. La discipline paraît régner dans cet antre de policiers devenus soldats. Même la cuisine est propre et rangée. « Les voisins nous ont à la bonne, parce que l’ordre règne et qu’on leur rend des services. » « Juriste » glisse que c’est aussi une mesure de sécurité, car « il y a des civils à l’arrière qui donnent des informations aux Russes ».
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