Des « nouveaux pères » trop pépères ou le syndrome de la valise

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Iorgis et sa fille, Mia, dans des mises en scène photographiques réalisées à Montrouge (Hauts-de-Seine), le 28 septembre 2024.

Antenne 2, janvier 1980. Dans l’émission « Cartes sur table », Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste français (et père de quatre enfants), accuse le premier secrétaire du Parti socialiste de l’avoir trahi en 1977 lors d’une déclaration au JT sur la défense nationale. « J’étais en Corse devant la télévision (…). J’ai dit à ma femme : Mitterrand a décidé d’abandonner le programme commun de la gauche. » Et lâche dans la foulée : « Je lui ai dit : Liliane, fais les valises, on rentre à Paris ! » (L’Humanité retranscrira le lendemain : « On fait les valises et on rentre à Paris ! »). Une formule entrée dans l’histoire que le politologue Pascal Perrineau analyse ainsi pour le site de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) : « C’est le côté, disons, peu féministe. Il y a là, pour un leader d’un grand parti de gauche, un côté un peu désuet. »

Désuet, vraiment ? Quarante ans plus tard, les femmes continuent de faire les valises (71 % des mères, selon l’IFOP en 2023). Et les hommes, de les ranger dans le coffre de la voiture (question d’optimisation de l’espace), dont ils tiennent par ailleurs le volant (à 64 %). Or, qui dit valise suppose de laver le linge (72 % des femmes se chargent des « machines »), de constituer des listes pour ne rien oublier et, au retour des vacances, rebelote : lessive, étendage, pliage, rangement dans les placards. Certes, cela ne paraît pas insurmontable : multipliez par le nombre d’enfants et vous pouvez rapidement retrouver Liliane roulée en boule sur le tapis de la salle de bains. D’autant plus si elle travaille le lendemain.

Pourtant, à observer les séries, la publicité, les innombrables livres consacrés à la paternité et les super daddies des réseaux sociaux, les darons modernes dans des couples hétérosexuels dits « égalitaires » se sont investis à fond dans la parentalité, et toutes les tâches plus ou moins ingrates qui l’accompagnent.

Cette révolution des « nouveaux pères », que l’on croise à la sortie de l’école, dans les supermarchés et les parcs (ou sur les pistes cyclables avec leur vélo-cargo rempli de mouflets), constituerait une vaste fumisterie, selon Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin, auteurs de la BD L’Arnaque des nouveaux pères (Glénat, 184 pages, 20,50 euros). Un mythe qui camouflerait une réalité têtue : certes, les hommes participent plus à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères que la génération précédente. Mais, toutes les études le confirment depuis vingt ans, le gouffre reste immense avec ce que se coltine leur compagne au quotidien.

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