Des mathématiciens résolvent une partie du « programme de Langlands »

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Une équipe de mathématiciens vient de terminer la belle ascension d’un des sommets de sa discipline. Le 11 septembre, elle a posté sur Arxiv un troisième preprint (article non relu par les pairs), sur cinq, décrivant les étapes-clés de son escalade du mythique « programme de Langlands ». L’intégralité de leurs travaux était déjà disponible depuis quelques mois sur le site d’un des premiers de cordée, Dennis Gaitsgory, directeur de recherche à l’Institut Max-Planck de mathématiques à Bonn, en Allemagne. Au total, près de mille pages résolvant un problème analogue au fameux « programme » du mathématicien canadien Robert Langlands qui, en 1967, par un courrier à son collègue français André Weil, décrivait modestement une de ses visions, qu’un grand nombre de scientifiques seront encore déterminés, plus de cinquante ans plus tard, à démontrer. Il terminait sa lettre comme suit : « Si vous voulez la lire comme pures spéculations, je vous en serais reconnaissant, sinon je suis sûr que vous avez une corbeille à portée de main. »

Ce programme est aussi connu sous le nom de « correspondance », non parce qu’il a été exposé par courrier, mais parce qu’il jette des ponts entre deux « continents » des mathématiques. Le professeur Edward Frenkel, de l’université de Californie à Berkeley, qui s’est aventuré sur ces ponts mais n’est pas membre de l’équipe en question, la compare à une « grande unification des maths », comme il existe en physique un rêve d’unifier les visions de la mécanique quantique et de la relativité générale, l’infiniment petit et l’infiniment grand. D’autres, pour préserver l’idée de correspondance, utilisent la métaphore de la pierre de Rosette, dont les écritures en plusieurs langues ont permis de déchiffrer les hiéroglyphes. D’autres encore préfèrent parler de « dictionnaire » : une même idée s’exprime dans deux langues différentes.

Principe d’équivalence

Dans tous les cas, l’espoir, outre de cartographier le paysage mathématique, est que ces ponts, pierre de Rosette, dictionnaires… aident à résoudre des questions restées sans réponse. Perdu sur un continent, on peut tomber sur des habitants parlant une autre langue et néanmoins parvenir à se comprendre. Plus prosaïquement, un problème mathématique compliqué à résoudre dans une région peut s’avérer plus « simple » dans une autre.

Comme, en 1993, lorsque l’Anglais Andrew Wiles démontre, grâce à ce principe d’équivalence, un célèbre théorème, celui de Fermat (il n’existe pas de nombres entiers strictement positifs x, y et z tels que xn + yn zn, si n est supérieur ou égal à 3). Les deux continents sont, d’une part, celui de la théorie des nombres et de l’arithmétique, terre d’origine du théorème, et, d’autre part, celui d’une autre théorie, l’analyse dite « harmonique », issue de l’étude des ondes périodiques, telles les ondes sonores. Une gymnastique classique dans cette « région » est la décomposition d’un son en plusieurs sons « purs », de fréquences différentes. La correspondance de Langlands généralise cela en établissant une équivalence entre des objets harmoniques, appelés « fonctions automorphes » (les sons), et arithmétiques, la fréquence des sons purs.

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