Dany Leprince attend la fin de l’année le cœur serré, sans trop oser y croire. Il attend déjà depuis trente ans. Il a 67 ans, et ses espoirs ont été jusqu’ici impitoyablement balayés. Il s’est réfugié, avec sa nouvelle épouse, à Marmande, dans le Lot-et-Garonne, donne un coup de main aux champs, parce qu’il n’est jamais aussi heureux que sur un tracteur, mais passe toujours des heures à éplucher son dossier, à chercher de nouveaux témoignages, et reste hanté par son histoire.
Pour la justice il est encore « le boucher de la Sarthe », l’homme qui, un soir, a massacré à coups de hachoir son frère, sa belle-sœur, leurs deux filles de 6 et 10 ans, le 4 septembre 1994. Le 18 décembre prochain, les cinq magistrats de la commission d’instruction de la cour de révision et de réexamen des condamnations pénales vont l’entendre une dernière fois, à huis clos, dans le cadre d’une procédure en révision entamée le 1er mars 2021, avant de décider s’il faut aller plus loin.
Trente ans après les crimes, ce n’est qu’une étape, mais elle est décisive. Après trois ans d’enquête, ces magistrats de la Cour de cassation doivent estimer s’il y a lieu de transmettre le dossier à la cour de révision, qui, au moins un an plus tard, jugera à son tour s’il y a un doute sur la culpabilité du condamné et s’il faut organiser un nouveau procès. Dany Leprince a déjà connu les affres de cette attente une première fois : une première commission avait été convaincue de son innocence et jugé en 2010 qu’un nouveau procès s’imposait, au point de l’avoir sorti de prison. La cour de révision a rejeté la demande un an plus tard et l’a réincarcéré.
Dix-huit ans en prison
La situation n’est aujourd’hui plus la même. Leprince a été condamné en 1997 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans, pour le quadruple meurtre de Thorigné-sur-Dué, un petit bourg de la Sarthe. Il a passé dix-huit ans en prison, en est sorti en 2012 sous bracelet électronique, et se bat plus que jamais pour être lavé de tout soupçon.
Sa peine de sûreté a été levée parce que la justice, malgré tout, a toujours eu des doutes : aucune preuve matérielle n’a pu être retenue contre lui, le mobile est douteux, l’arme du crime introuvable, les témoignages contradictoires et deux ADN inconnus ont été retrouvés dans la maison du crime. Même si, bousculé par les gendarmes, Dany Leprince avait fini par avouer le seul meurtre de son frère, à la toute fin de sa garde à vue, avant de se rétracter. Et pèsent toujours sur lui les accusations écrasantes de sa femme, Martine Compain, et de sa fille aînée, Célia, qui assurent toutes deux l’avoir vu frapper à mort son frère Christian.
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