Quelque 100 économistes, dont le Français Thomas Piketty, soutiennent la manifestation organisée mardi 1er octobre, à Bruxelles, par des syndicalistes de neuf pays européens qui entendent obtenir une révision des règles sociales pour les marchés publics. Ces contrats passés par les pouvoirs publics avec des entreprises privées représentent actuellement 2 000 milliards d’euros, soit quelque 14 % du produit intérieur brut de l’Union européenne.
Fédéré par Union Network International-Europa (UNI), une organisation qui regroupe 330 syndicats représentant 7 millions de travailleurs et est affiliée à la Confédération européenne des syndicats, le mouvement réclame un « stop à la course vers le bas » et une amélioration des conditions de travail, des salaires et de la négociation collective pour les millions de travailleurs employés dans le cadre de ces contrats.
Des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme le nettoyage, la restauration, la sécurité sont particulièrement concernés par les pratiques actuelles qui, selon les économistes qui soutiennent le mouvement, privilégient les prix les plus bas dans les appels d’offres et « créent des conditions de marché qui permettent aux soumissionnaires de ne pas tenir compte des critères sociaux (…) essentiels pour une croissance économique durable et des emplois de qualité ».
La pandémie de Covid-19 avait mis en évidence l’importance du rôle de certaines catégories de travailleurs et travailleuses dits « externalisés ». Ils restent toutefois perçus par les pouvoirs publics et les entreprises privées « comme de simples facteurs de coût plutôt que comme des investissements cruciaux dans la santé, la sécurité et le bien-être », déplorent M. Piketty et ses cosignataires. Parmi ceux-ci on trouve l’ancien commissaire européen hongrois aux affaires sociales Laszlo Andor et l’économiste allemande Isabella Weber, qui avait suscité une polémique en 2021 en plaidant pour une politique de contrôle des prix et qui, en 2023, dénonçait la « cupideflation », à savoir une inflation créée, d’après elle, par des firmes profitant de leur rôle dominant dans le marché pour augmenter les prix.
« Menace d’une extrême droite en croissance »
La Britannique Ann Pettifor, connue pour avoir prédit la crise financière de 2007-2008, l’Italien Roberto Veneziani, professeur à la Queen Mary University de Londres, et l’Allemand Benjamin Braun, spécialiste de l’économie politique, figurent parmi les autres signataires.
Tous insistent sur une autre dimension du mouvement qu’ils soutiennent, à savoir le fait que beaucoup des travailleurs concernés sont des migrants, et principalement des femmes, tous « confrontés à la menace d’une extrême droite en croissance qui utilise son pouvoir politique, non seulement pour s’opposer aux politiques économiques progressistes mais aussi pour stratifier davantage le marché du travail en fonction de la nationalité, de la religion, du sexe et de l’orientation sexuelle ».
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