A quatre jours du second tour d’une élection présidentielle cruciale pour la Roumanie, le président sortant, Klaus Iohannis, a publié, mercredi 4 décembre, des notes des services de renseignement accablantes sur les dessous d’une énorme opération d’influence sur Tiktok en faveur du candidat prorusse Calin Georgescu. Ce dernier est arrivé en tête au premier tour, à la surprise générale, avec 23 % des voix, dimanche 24 novembre.
Ces documents déclassifiés détaillent comment ce candidat, virtuellement inconnu un mois plus tôt, a réussi, en quelques semaines, à devenir une star du réseau social chinois, dans des conditions troublantes. Comme l’ont déjà documenté des médias, cette campagne est passée par la rémunération d’influenceurs locaux afin qu’ils diffusent des vidéos appelant à se rendre aux urnes, subtilement orientées pour que le « candidat idéal » qu’elles décrivaient corresponde au profil de M. Georgescu, et pour populariser certains mots-clés. Une fois les vidéos publiées, de faux comptes noyaient les commentaires des vidéos de messages de soutien à M. Georgescu.
Campagne d’influence à plusieurs niveaux
Les notes du renseignement roumain corroborent les observations des experts de la désinformation. « Ces influenceurs ne mentionnaient pas son nom, mais les commentaires sous leurs vidéos étaient inondés de messages favorables à Georgescu », note Victoria Olari, chercheuse au DFR Lab (Digital Forensic Research Lab, laboratoire du groupe de réflexion américain Atlantic Council) et spécialiste de la Moldavie et de la Roumanie. « Même sous les vidéos des autres candidats, environ un tiers des commentaires soutiennent Georgescu. » Une omniprésence plus que douteuse : M. Georgescu plafonnait à 2 % d’intentions de vote dans les sondages pendant l’essentiel de la campagne. Le jour du premier tour, un pic massif de recherches sur son nom dans Google semblait indiquer que de nombreux électeurs avaient découvert son existence à ce moment-là.
En Roumanie, comme dans d’autres pays, la responsabilité de TikTok dans le déroulement de cette opération d’influence fait l’objet de vives critiques. En déplorant que cette campagne n’ait pas été détectée plus tôt, la candidate proeuropéenne, Elena Lasconi, a ainsi estimé, mercredi 4 décembre dans la soirée, que toute cette opération rappelait « la méthode utilisée par la Russie avant d’entrer sur le territoire ukrainien [en février 2022] ». Interrogé sur une chaîne de télévision proche de l’extrême droite, M. Georgescu a, quant à lui, refusé de s’expliquer sur ses liens avec les personnalités montrées du doigt par les services de renseignement, se contentant de dénoncer « le désespoir du système ». Le candidat déclare toujours n’avoir pas dépensé un seul euro pour financer sa campagne.
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