Après Neige Sinno, dont le livre, Triste tigre (P.O.L, 2023) traitant de l’inceste avait été retiré du CDI d’un lycée privé breton en 2023, c’est au tour de Rebecca Lighieri (de son vrai nom Emmanuelle Bayamack-Tam) de faire l’objet d’attaques pour le contenu de son roman, sélectionné pour le Goncourt des lycéens. Le Club des enfants perdus (P.O.L, 528 pages, 22 euros) est dénoncé comme inapproprié par deux associations d’extrême droite. L’ouvrage, qui comporte des scènes de sexe explicites, raconte la vie d’un couple d’artiste et de leur fille, et aborde les thèmes de la dépression et du suicide.
L’association Juristes pour l’enfance, dont la présidente engagée contre la procréation médicalement assistée a milité au sein de la Manif pour tous, a saisi la commission de surveillance et de contrôle des publications pour la jeunesse du ministère de la justice – interrogée, la Chancellerie n’a pas souhaité commenter cette saisine. Un courrier a également été adressé au gouvernement par l’association SOS Education, proche du parti Reconquête !, fondé par Eric Zemmour, et de son mouvement Parents vigilants. Celle-ci milite contre l’éducation sexuelle à l’école, l’écriture inclusive, ou encore « l’activisme transaffirmatif ».
Le livre serait « pornographique et psychiquement dangereux », juge SOS Education dans son courrier. Juristes pour l’enfance dit s’interroger, dans un communiqué daté du 4 octobre, sur « l’absence de réaction de l’éducation nationale et des équipes éducatives (…) lorsqu’ils ont eu la sélection entre les mains », en évoquant une « société pornifiée ». L’attaque contre le roman de Rebecca Lighieri a été relayée par certains médias appartenant au milliardaire conservateur Vincent Bolloré, comme Le Journal du dimanche, qui titrait, le 7 octobre : « Pornographie, inceste, suicide, scatophilie : scandale autour d’un livre en lice pour le Goncourt des lycéens ».
Nombreux contresens
L’éducation nationale indique surveiller cette polémique, surtout présente sur les réseaux sociaux, où les deux associations sont actives, et dans une sphère médiatique bien identifiée. Le ministère a fait part de son soutien sans réserve au Goncourt des lycéens, qui existe depuis 1988 et permet chaque année à quelque 2 000 élèves de « participer pleinement à la rentrée littéraire ». Et de rappeler que « les équipes éducatives sont informées en amont par l’organisation du prix Goncourt des questions potentiellement sensibles présentes dans les romans en compétition ». En tout état de cause, conclut le ministère, chaque élève est libre de lire ou non un auteur sélectionné.
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