Aucune avancée majeure n’a été réalisée à l’issue des discussions qui se sont tenues mardi 20 août et mercredi 21 août à Luanda, la capitale de l’Angola, sur la situation de sécurité et de paix dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le ministère des affaires étrangères angolais a indiqué sur son compte X qu’une proposition d’un « accord de paix durable et définitif » présentée par le président angolais João Lourenço, médiateur de la crise désigné par l’Union africaine, a été « discutée et négociée ».
Une journée supplémentaire de dialogue à Luanda entre Thérèse Kayikwamba Wagner et Olivier Nduhungirehe, chefs de la diplomatie congolaise et rwandaise, et leur homologue angolais Tete Antonio, un moment envisagée, n’a pu se tenir. Le président Lourenço s’était rendu au Rwanda et en RDC les 11 et 12 août pour soumettre cette proposition aux présidents Paul Kagame et Félix Tshisekedi. A ce stade, aucun compromis n’aurait été trouvé, à l’exception d’un cessez-le-feu adopté lors de la précédente réunion ministérielle fin juillet. Une trêve qui a, depuis, volé en éclats. Sur le terrain, le Mouvement du 23 mars (M23), groupe rebelle sévissant dans l’est de la RDC et soutenu par le Rwanda voisin, poursuit son avancée dans la région du Nord-Kivu.
Le processus de Luanda, initié en novembre 2022, principal dispositif de négociation, se poursuit difficilement. Kigali ne reconnaît pas son implication aux côtés du M23, qui affirme agir en défense de la population congolaise rwandophone. Pour sa part, Kinshasa considère ce groupe comme terroriste et refuse toute discussion avec lui. En revanche, la question du démantèlement des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), groupe rebelle constitué en 1994 par d’anciens génocidaires hutus rwandais réfugiés en RDC, semblait avoir progressé. Un plan de neutralisation de ce groupe – sur lequel se sont appuyées les forces armées congolaises pour combattre le M23 – aurait été élaboré lors d’une réunion d’experts début août.
Vérification du cessez-le-feu
Toutefois, le désengagement des forces rwandaises présentes dans l’est de la RDC depuis la reprise de l’offensive du M23 en novembre 2021 reste un point de blocage. Lors de son discours en marge du sommet de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) qui s’est tenu le 17 août, le président angolais a reconnu que la préparation du « plan de désengagement des forces sur le théâtre opérationnel » est dans une « impasse ». Malgré leur affaiblissement, les FDLR apparaissent toujours comme une menace existentielle pour le Rwanda. Kinshasa a officiellement interdit toute coopération entre les FDLR et son armée. Mais, au niveau local, leur collaboration militaire sur le terrain continue de crisper Kigali.
Le troisième volet des négociations de Luanda porte sur le renforcement du mécanisme de vérification du cessez-le-feu instauré le 4 août mais régulièrement violé. Lors de la visite de travail de Joao Lourenço à Kinshasa le 12 août, la ministre congolaise des affaires étrangères avait mis en avant la « dynamique encourageante » d’un cessez-le-feu « largement observé », tout en reconnaissant quelques « exceptions ».
Pourtant, les affrontements se sont poursuivis cette semaine dans le territoire du Masisi, à l’est de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Mercredi, des échanges de tirs y ont éclaté entre des Wazalendo, une coalition de milices locales alliées à l’armée congolaise, et le M23. La veille, jour de l’ouverture des discussions en Angola, le M23 s’emparait de la localité de Kikovu, située plus au nord, dans le territoire du Lubero.
Démantèlement
D’après les informations du Kivu Morning Post, un média local, les combats dans le Masisi ont abouti à la prise de contrôle par le M23 des localités de Lukofu, Kisuma et Bufaransa. Le média signale d’autres affrontements à proximité de la ville de Masisi vendredi. Les localités concernées près de Buguri resteraient pour l’instant sous contrôle congolais.
De leur côté, le M23 et l’Alliance Fleuve Congo (groupement politico-militaire évoluant dans l’orbite du M23) ne reconnaissent pas les négociations en cours à Luanda tant qu’ils n’y participent pas directement. « C’est notre souhait, nous voulons une négociation directe et franche », explique le lieutenant-colonel Willy Ngoma, porte-parole du M23.
Plusieurs chercheurs soulignent qu’aucune des parties n’a, a priori, intérêt à favoriser le dialogue. La crédibilité de l’Etat congolais s’en trouverait affaiblie tandis que le M23 dispose encore de moyens pour poursuivre son avancée militaire. Dans un rapport publié le 6 août, Ebuteli, l’Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, jugeait le plan de démantèlement des FDLR « nécessaire », mais « probablement pas suffisant pour mettre fin à cette crise ».