de l’espoir d’Oslo aux réalités d’Hébron

4674



Un matin pluvieux de janvier 1997, une petite équipe de diplomates américains s’avance dans la rue Al-Chouhada (« rue des Martyrs ») d’Hébron, dans le sud de la Cisjordanie. Elle est conduite par Aaron David Miller, inamovible adjoint du coordinateur spécial des Etats-Unis pour le Moyen-Orient, Dennis Ross, qui soudain s’arrête et s’accroupit. « J’étais là, à quatre pattes, avec un mètre-ruban, en train de calculer les différences de largeur d’une petite rue qui était devenue un point de friction central dans les négociations israélo-palestiniennes », raconte le diplomate dans ses Mémoires. Ainsi l’équipe américaine s’efforçait-elle de trouver un compromis permettant de lever un obstacle en apparence minuscule, mais sur lequel butait l’ensemble du processus de paix ouvert par les accords d’Oslo, un peu plus de trois ans plus tôt.

Des officiers palestiniens (à gauche) et israéliens (à droite) discutent des dispositions prises pour leurs deux populations dans la rue Al-Chouhada (« rue des Martyrs »), de la vieille ville d’Hébron, le 21 janvier 1997.

Historien de formation, Aaron David Miller connaît mieux que quiconque le poids douloureux d’Hébron dans l’histoire israélo-palestinienne. La grande ville de Cisjordanie qui porte le nom d’Al-Khalil, « l’Ami » en arabe, a été le théâtre en 1929 de massacres antijuifs qui ont mis fin à une présence multiséculaire autour du caveau des Patriarches de la Bible, Abraham, Isaac, Jacob et Joseph. Ce lieu saint, à la fois juif, chrétien et musulman, abrite leurs cénotaphes ainsi que ceux de leurs épouses. Les émeutes avaient été déclenchées par des rumeurs d’attaques juives sur les lieux saints musulmans de Jérusalem.

En mars 1968, un groupe de sionistes religieux conduit par un rabbin messianique, Moshe Levinger, profite de la conquête de la Cisjordanie, un an plus tôt, lors de la guerre des Six-Jours, pour amorcer un retour juif à Hébron. « La renaissance nationale juive est plus importante que la démocratie… Aucun gouvernement n’a l’autorité ou le droit de dire à un juif qu’il ne peut pas s’installer sur n’importe quel morceau de la terre d’Israël », clame cet élève de la yeshiva du Mercaz Harav, creuset d’un sionisme religieux intégral. Il établit une tête de pont dans une base militaire désaffectée située aux portes d’Hébron, qui devient la colonie de Kiryat Arba, et multiplie les prises de possession de maisons au cœur de la vieille ville, sources de tensions permanentes et souvent sanglantes.




Le 25 février 1994, cinq mois seulement après la signature des accords d’Oslo dans la roseraie de la Maison Blanche, un colon extrémiste de Kiryat Arba, Baruch Goldstein, abat au fusil-mitrailleur 29 Palestiniens en prière dans la partie du caveau des Patriarches réservée aux musulmans et en blesse 125 autres. Ce drame constitue la première épreuve d’ampleur pour le processus de paix négocié dans le secret en Norvège, qui a suspendu le temps de la guerre après des décennies de fureur. L’enjeu est donc de taille.

Il vous reste 85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link