En principe, vous pouvez recourir à l’assurance-vie pour favoriser une ou plusieurs personnes de votre entourage en les désignant bénéficiaires. Les sommes placées sur un contrat d’assurance-vie ne sont pas prises en compte dans votre succession et n’entrent pas dans le calcul de la réserve héréditaire (c’est-à-dire la part minimale de votre héritage à laquelle ils ont droit), car l’assurance-vie se transmet « hors succession ».
Toutefois, une limite a été posée par la loi : si les primes versées par le souscripteur présentent un caractère manifestement exagéré eu égard à ses facultés (art. L. 132-13 du code des assurances), elles sont rapportables (réintégrées) à la succession et peuvent faire l’objet d’une action en réduction pour atteinte à la réserve.
Le caractère exagéré s’apprécie au moment du versement de l’argent selon plusieurs critères : l’âge, les situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que l’utilité du contrat pour celui-ci. Un garde-fou qui empêche que l’assuré déshérite ses enfants.
Une preuve difficile à apporter
« Prouver le caractère excessif des primes est un parcours difficile pour les héritiers à l’origine de l’action en justice. Ils doivent non seulement connaître l’existence du contrat, mais aussi reconstituer le patrimoine de leur proche décédé en se plaçant à toutes les époques où les versements ont eu lieu », explique Stéphane Valory, avocat en droit de la famille et des successions. « Certes, le juge des référés peut être saisi pour obtenir de la compagnie d’assurances une copie du contrat et l’historique des abondements et des rachats, ajoute-t-il. Mais il faut ensuite confronter ces éléments au patrimoine du défunt, à ses revenus, à son âge, et disposer d’un maximum de pièces pour étayer son dossier. »
Sans compter que, même quand le caractère excessif paraît plausible et que des preuves peuvent être fournies, il faut encore persuader les juges du fond, dont l’appréciation est souveraine. « Des critères quantitatifs comme les revenus ou le patrimoine permettent plus facilement de convaincre. Mais la situation familiale ou l’utilité du contrat sont des critères qualitatifs, ce qui signifie que deux tribunaux pourraient rendre deux décisions différentes dans des affaires semblables », met en garde Me Valory.
Apprécier le caractère excessif
Et encore faut-il que les juges prennent en compte tous les critères fixés par la jurisprudence pour apprécier ce caractère excessif. Sur ce point, la Cour de cassation veille.
Récemment encore, la haute cour a reproché aux juges d’appel de ne pas avoir recherché, pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes, la situation patrimoniale globale de l’assuré décédé en 2010, notamment son patrimoine immobilier, son épargne et ses revenus à la date de chaque versement (arrêt 2 mai 2024, pourvoi n° 22-14.829).
Il vous reste 17.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.