Dans l’Yonne, Tonnerre, terminus de la précarité

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Tonnerre, jolie bourgade de l’Yonne traversée par le canal de Bourgogne, quatre mille sept cents habitants. Son église médiévale, son musée dans l’ancien Hôtel-Dieu, sa célèbre source karstique aménagée en lavoir au XVIIIe siècle… Et sa gare SNCF, où débarquent régulièrement des hommes et des femmes en grande précarité, chassés des métropoles où la gentrification les a rendus indésirables.

Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Pourquoi ont-ils été obligés de se déplacer ? C’est pour répondre à ces questions et comprendre les processus de relégation à l’œuvre de façon invisible dans notre société que Jean-Robert Dantou, 44 ans, s’est rendu à Tonnerre. Chercheur en photographie documentaire et ethnographie réflexive, il s’est posté dans la ville durant sept ans, de 2017 à 2024, dans le cadre de sa thèse de doctorat.

Si, d’ordinaire, la plupart des chercheurs dans ce domaine se positionnent au point de départ, sur les lieux d’où les gens partent, avant de disparaître généralement dans la nature, lui a choisi de se positionner à leur lieu d’arrivée. Même les services du 115, le numéro d’urgence sociale, ont du mal à suivre ces personnes en grande précarité. A Tonnerre, la gare ferroviaire joue un rôle « ambivalent », selon Jean-Robert Dantou : « Elle est un atout pour la ville et en même temps une porte d’entrée pour les personnes précarisées, dont la très grande majorité ne possède aucun moyen de transport, pas même un vélo. »

Petites annonces et marchands de sommeil

A rebours de l’exode rural qu’elle a connu pendant la seconde moitié du XXe siècle, la France voit des populations se déplacer, malgré elles, des grandes villes vers des villes moyennes, puis vers des villes plus petites ou des villages ruraux. « Le tournant s’est produit dans les années 2000, souligne Jean-Robert Dantou. L’éloignement est progressif, on passe de Paris à Nanterre, puis de Nanterre à Sens, de Sens à Joigny et de Joigny à Tonnerre. Au bout du compte, la petite commune bourguignonne révèle en creux ce qui se produit dans les grandes agglomérations, où les loyers s’envolent. »

Patrick est arrivé avec sa compagne, Céline, en 2015, à la suite d’une expulsion en Ile-de-France. Ils se sont mariés dans la commune un an plus tard.

Elle est un exemple, parmi d’autres, de ces centaines de petites villes en première ligne des échecs de notre modèle économique et social et qui subissent, à retardement, les conséquences de la désindustrialisation. Le chômage a accéléré le départ de nombreux habitants de bourgades modestes, laissant beaucoup de logements vacants. « A Tonnerre, leur nombre a doublé entre 1990 et 2010, pour atteindre 20 % du parc immobilier », relève Jean-Robert Dantou.

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