dans l’espace germanophone, la critique quasi impossible du gouvernement israélien

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Manifestation en soutien à Israël et contre l’antisémitisme, devant l’université de Humboldt, à Berlin, le 5 octobre 2024.

Soutien inconditionnel d’Israël pour des raisons historiques, l’Allemagne a élevé la sécurité de l’Etat hébreu au rang de raison d’Etat. Ce concept, énoncé par Angela Merkel devant la Knesset en 2008 et jamais vraiment défini, a été repris explicitement par le chancelier Olaf Scholz après les attentats du 7-Octobre et continue de faire l’objet d’un consensus absolu dans la classe politique. Cette Staatsräson justifie aussi la lutte intransigeante que le pays mène contre toute critique envers l’Etat d’Israël, qu’il assimile implicitement à une forme d’antisémitisme.

L’Allemagne, où vivent 5,5 millions de musulmans et qui fait face à une montée en puissance de l’extrême droite, n’est pas épargnée par les tensions qui traversent les sociétés occidentales depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023. Les agressions envers la communauté juive ont doublé depuis 2022, et la police a récemment déjoué une tentative d’attentat contre le consulat d’Israël à Munich.

Dans un sondage de la fondation Bertelsmann publié en décembre 2023 43 % des Allemands interrogés estimaient que « ce que l’Etat d’Israël fait aujourd’hui avec les Palestiniens n’est en principe rien d’autre que ce que les nazis ont fait avec les juifs pendant le troisième Reich ». Une proportion plus élevée que dans la plupart des autres pays européens sondés (31 % en France, 37 % en Pologne).

Une société partagée

Mais en Allemagne plus qu’ailleurs, l’embarras face à tout ce qui s’apparente à une critique du gouvernement israélien demeure toutefois manifeste. La ministre des affaires étrangères, Annalena Baerbock (Verts), qui tente un discours différencié, soutenant le droit d’Israël à se défendre tout en condamnant les victimes de bombardements à Gaza, se voit systématiquement reprocher ses propos par la presse conservatrice. Et en février, le festival de cinéma de Berlin s’était attiré une pluie de condamnations pour avoir offert une tribune jugée trop favorable à la cause palestinienne. Le réalisateur israélien Yuval Abraham, dont le documentaire sur la Cisjordanie occupée venait d’être primé, avait même été accusé d’antisémitisme après avoir parlé d’« apartheid » dans son discours. « Si c’est ce que vous faites de votre culpabilité dans l’Holocauste, avait-il répondu sur Twitter, je ne veux pas de votre culpabilité. »

Des manifestations pro-palestiniennes se sont encore déroulées dans plusieurs villes du pays ces derniers jours, soulignant l’écart entre la position officielle de Berlin et la société civile depuis le 7 octobre. « Le soutien politique envers Israël demeure incontesté, mais il y a un décalage croissant avec une partie de la société allemande, notamment des personnes issues de l’immigration, constate le député Nils Schmid, porte-parole du Parti social-démocrate pour les affaires étrangères au Bundestag. Les voix dissonantes, sauf extrêmes, sont peu présentes dans les médias et l’espace public, alors même qu’il y a des reportages sur les souffrances de Palestiniens. » L’Allemagne héberge la plus grande communauté palestinienne d’Europe et demeure l’un des grands donateurs de la cause palestinienne, rappelle-t-il. « On voit des manifestations avec des dérapages antisémites, mais aussi un ressenti chez les immigrés que leurs sentiments ne sont pas visibles. »

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