Dans le nord de la Californie, les barrages de la discorde

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LETTRE DE SAN FRANCISCO

Le réservoir d’eau assèché après la destrcution du barrage laisse apparaître des arbres noircis mais toujours debout après des décennies sous l’eau. À Copco Lake, en Californie, le 21 mai 2024.

Dans un bastion acquis aux républicains, voilà qui ne va pas atténuer les ardeurs trumpistes. A Yreka, le chef-lieu du comté de Siskiyou, dans le nord de la Californie, la population est vent debout contre le démantèlement des barrages hydroélectriques sur le Klamath, le fleuve qui traverse la région en provenance de l’Oregon pour se jeter dans l’océan Pacifique.

En 2010, 78 % des électeurs avaient déclaré leur opposition à la destruction de ces barrages, construits entre 1912 et 1962, et fournissant de l’électricité à 70 000 foyers. Les pouvoirs publics ont passé outre d’autant que l’opérateur des ouvrages, la compagnie Pacificorp, a préféré renoncer à sa licence d’exploitation. Vieillissants, dépourvus d’échelle à poisson, les barrages étaient rendus responsables de la raréfaction des saumons par les écologistes et les tribus amérindiennes qui résident le long du fleuve.

Depuis que la première brèche a été ouverte le 9 janvier dans l’Iron Gate Dam, un monstre de 52 mètres de haut, libérant des tonnes de sédiments, la révolte gronde dans le comté de Siskiyou. Les commerces vendent des T-shirts et des affiches sur lesquels on peut voir un poisson réduit à une arête et le slogan « No more dam removals ! » (« stop au démantèlement des barrages ! »).

Le 26 mars, les élus du comté – tous républicains – ont déclaré l’état d’urgence, après avoir eu communication des résultats d’analyses de l’eau du fleuve faisant état de concentrations de plomb, d’arsenic, de fer et d’aluminium supérieures aux normes pour l’eau potable, l’irrigation des cultures et la consommation du bétail. Personne n’a jamais bu l’eau de la rivière, polluée chaque été par des algues toxiques, mais peu importe, les analyses ont alimenté les rumeurs.

« Une rivière de mort »

Devant la maison de Jim Leach, au bord du fleuve, un drapeau noir flotte haut : celui des prisonniers du Vietnam. A la fin des années 1960, le pilote d’hélicoptère déversait des pesticides à la dioxine sur la jungle vietnamienne. Des années plus tard, quand il a eu un cancer, il a fait partie des anciens combattants qui ont dû batailler plus de dix ans pour que le Pentagone reconnaisse le rôle de l’« agent orange » dans leur maladie.

Aujourd’hui, Jim Leach a l’impression de revivre le même cauchemar. Au pied de sa rocaille, à 7 kilomètres du barrage de l’Iron Gate, l’eau est noire. Persuadé que l’eau contient des niveaux toxiques de minéraux, il a commandé des analyses qu’il a payées de sa poche. Elles corroborent les tests effectués par les autorités du comté. « C’est comme au Vietnam. On nous ment », murmure-t-il.

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