Dans le nord de Gaza, les habitants du camp de Jabaliya pris dans un piège mortel

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Un homme pleure ses proches morts dans une frappe israélienne, devant l’hôpital Al-Maamadani, à Jabaliya, dans la bande de Gaza, le 12 octobre 2024.

Combien sont-ils à tenter de sortir du camp de Jabaliya encerclé par l’armée israélienne dans le nord de Gaza depuis le 6 octobre, privés de tout – de la nourriture aux soins médicaux –, exposés aux tirs jusque dans leur domicile ? Sans doute, encore, des dizaines de milliers, pris au piège d’opérations menées depuis dix jours par la 162e division, appuyée par des chars et des drones. L’armée de l’Etat hébreu affirme conduire « des raids ciblés sur des dizaines de sites d’infrastructures terroristes dans la zone, éliminant des dizaines de terroristes, et confisquant de nombreuses armes ». Ces derniers jours, des dizaines de personnes ont été tuées, parmi lesquelles des femmes et des enfants, selon l’organe chargé des questions humanitaires au sein des Nations unies, OCHA. Des victimes seraient encore sous les décombres, selon la défense civile de Gaza.

Le nombre d’habitants pris au piège de Jabaliya – déjà théâtre à deux reprises d’opérations depuis le début de la guerre, il y a un an – est impossible à déterminer, alors que les bombardements rendent tout déplacement potentiellement mortel dans une vaste zone autour du camp et s’étendent au-delà, dans une large bande de la région nord de Gaza. Quelque 430 000 personnes au total sont bloquées dans cette zone, selon un décompte des agences de l’ONU.

Dans les communiqués de l’armée, il n’est fait nulle part mention des conditions dans lesquelles s’opère le siège de Jabaliya, ni des ordres contradictoires donnés à la population du reste de la région nord, sommée de partir vers le sud, alors que les obstacles pour ceux qui souhaiteraient s’y rendre sont insurmontables, en raison des tirs. Les « ordres d’évacuation » donnés par l’armée, décrits par Amnesty International comme « l’euphémisme d’Israël pour désigner des déplacements forcés », s’adressent à une population placée dans l’impossibilité d’y obéir, même de force.

Sarah Davies, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge, qui se trouvait jusqu’à mardi à Gaza, raconte les appels désespérés de familles ne sachant comment s’échapper de la nasse bombardée et affamée, avec des enfants et des personnes âgées. « La logique des cartes avec les évacuations peut sembler claire, de loin, mais, en réalité, sur le terrain, c’est impossible de comprendre où sont les lignes entre les endroits dangereux et ceux qui devraient être épargnés », explique-t-elle.

Administration américaine alertée

L’enfer déclenché à Jabaliya s’inscrit-il dans une stratégie plus large visant à évacuer de force cette région du nord de Gaza, en utilisant la violence mais aussi la faim, en coupant tout ravitaillement ? Aux Etats-Unis, la question soulève un début de réaction de l’administration. Une lettre du secrétaire d’Etat, Antony Blinken, et du secrétaire à la défense, Lloyd Austin, a été envoyée, dimanche 13 octobre, à leurs homologues israéliens, leur demandant d’augmenter le volume d’aide humanitaire autorisé à entrer dans Gaza dans un délai de trente jours, faute de quoi les livraisons d’armes américaines à Israël seraient remises en question. Reste à voir si ces dispositions, à trois semaines de l’élection présidentielle américaine, ont une chance d’être suivies d’effet. Pourtant, la situation devient intenable dans l’enclave. « Depuis le printemps, le volume d’aide humanitaire parvenant à Gaza a diminué de plus de moitié », s’alarment-ils dans la lettre, qui a fuité dans la presse.

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