
Les amateurs de base-ball le savent : les curveballs sont vicieuses. La balle est lancée avec un tel effet que sa trajectoire devient imprévisible pour le batteur. « Curveball » fut aussi le nom de code donné à une source du renseignement américain en Allemagne, en 2003. Cet informateur prétendait posséder des preuves sur les armes de destruction massive du régime irakien de Saddam Hussein. Margaret Henoch, alors analyste au sein de la CIA, détecta vite l’incohérence de ses affirmations.
Assise dans un café près de Washington, elle se souvient avec précision de cette époque électrique où le secrétaire d’Etat Colin Powell avait pris la parole devant le Conseil de sécurité des Nations unies pour justifier l’intervention militaire américaine en Irak. Jamais encore le travail du renseignement n’avait été autant manipulé à des fins politiques. Quelques jours avant le discours, elle avait raturé le texte en maints endroits. Aucune correction ne fut retenue. « Quand j’ai entendu son intervention, dans le bureau de mon directeur à la section Europe, j’ai cru que ma tête allait exploser, raconte-t-elle. J’ai juré comme une dingue, je ne tenais pas en place. »
Deux phénomènes s’étaient produits simultanément, dit-elle avec le recul. D’un côté, l’incompétence « à couper le souffle » des personnes chargées d’interpréter le renseignement recueilli, au-dessus d’elle. De l’autre, le refus de la direction de la CIA d’admettre ce que l’administration de George W. Bush s’apprêtait à faire, sur la base de cette fausse interprétation : justifier l’aventure militaire contre le régime de Saddam Hussein.
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