« Comment imaginer les relations avec un régime qui enferme les femmes ? »

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Dans la rue, elles doivent être couvertes, du visage aux pieds, parler à voix basse aussi, et elles n’ont pas le droit de rire – ce serait obscène. Elles quittent l’école à 12 ans : l’enseignement secondaire, professionnel ou universitaire leur est fermé. Mariage fréquent entre 11 et 15 ans. Leur présence est prohibée dans les parcs, les cafés, les maisons de thé et autres lieux publics. Au-delà de 72 kilomètres de leur domicile, elles doivent être chaperonnées. A de rares exceptions près, le marché du travail leur est inaccessible. Tout visage féminin a été supprimé des panneaux publicitaires. Les femmes n’existent qu’entre quatre murs.

Sous le régime taliban, de nouveau au pouvoir à Kaboul, les Afghanes sont prises en otage. Mais de cet enlèvement collectif on a peu parlé lors de la session d’automne de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU), à New York, qui s’est tenue fin septembre. Cette forme de terrorisme n’a pas franchi l’actualité. Pourtant, on savait. Alors que se réunissaient les délégations dans l’une des villes les plus tolérantes de la planète, les talibans avaient joué cartes sur table. Fin août, ils publiaient les 114 pages du code du statut de l’Afghane : la charia, loi islamique, pour tout le monde dans « l’émirat islamique d’Afghanistan », avec, en supplément pour les femmes, de la naissance à la mort, l’emprisonnement à domicile.

Au-delà du sort, atroce, réservé à la moitié de la population d’un pays de 39 millions d’habitants, l’Afghanistan des talibans pose, de façon caricaturale, une des questions-clés de la scène internationale de demain. Quel rôle pour les droits de l’homme – en l’espèce, ceux des femmes – dans les relations entre Etats ? L’Afghanistan fait partie des pays qui ont signé l’échec des interventions armées à destination humanitaire (ou stratégique).

Avec l’Irak, envahi par les Etats-Unis, il a été le tombeau des illusions néoconservatrices du début des années 2000. On n’impose pas la démocratie. Mais la question reste en l’état : comment imaginer les relations avec un régime qui enferme la moitié de sa population ? La Chine et la Russie, les deux puissances qui entendent changer l’ordre international, font une proposition.

Minimum de dialogue

Instrument des ambitions expansionnistes du Pakistan, les talibans ont pris le pouvoir, une première fois, en 1996. Parce qu’ils abritaient Al-Qaida, perpétratrice des attentats du 11 septembre 2001, ils furent chassés de Kaboul, par la force, au cours de cet hiver-là. La lâcheté de Donald Trump d’abord puis la désinvolture de Joe Biden aidant, les talibans ont repris le pouvoir en août 2021 – sans que la population se soulève contre eux.

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