
Livre. Dans le roman La Servante écarlate (Robert Laffont, 1987), les femmes opprimées par un régime machiste se retrouvent autour d’un slogan : « nolite te bastardes carborundorum », traduit par « ne laissez pas les salopards vous broyer ». Comme Margaret Atwood dans sa célèbre dystopie, l’avocate et militante féministe Violaine de Filippis-Abate appelle les femmes, dans un essai intitulé La Résistance écarlate (Payot, 224 pages, 20 euros), à s’organiser face aux menaces qui pèsent sur leurs droits et dont elle dresse un panorama non exhaustif, mais déjà glaçant.
Le rapport 2024 de la coalition internationale Equal Measures révèle qu’entre 2019 et 2022 près de 40 % des pays ont régressé ou stagné en matière d’égalité. Ce recul est mondial et systémique : ces attaques, en s’en prenant aux libertés sexuelles et contraceptives, économiques et politiques, n’épargnent aucun pan de l’existence des femmes. L’autrice y voit un continuum de violences qui va des micro-agressions du quotidien au recul des droits les plus fondamentaux. Toutes ces choses participent d’un revanchisme masculin à dimension planétaire, soutenu par des discours réactionnaires de plus en plus répandus, et une culture populaire toujours encline à véhiculer des clichés sexistes.
Violaine de Filippis-Abate prend bien le soin de faire la distinction entre les théocraties afghane ou iranienne et les régimes autoritaires en occident : les situations « sont certes incomparables », reconnaît l’autrice. Mais on regrette parfois qu’elle insiste trop peu sur ces écarts et les spécificités des différents exemples cités dans l’ouvrage.
Un certain degré de misogynie
Cette régression généralisée n’est pas un « accident de l’histoire ». Ce phénomène résulte selon l’autrice d’une convergence entre des projets idéologiques qui, s’ils sont très différents les uns des autres – « le techno-libertarianisme, l’autoritarisme politique, le populisme identitaire et l’extrémisme religieux » – ont en commun un certain degré de misogynie. Elle pointe également la responsabilité d’hommes du monde entier, persuadés que le combat féministe serait désormais obsolète, excessif et inutilement bruyant.
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