comment, de Moscou à Pékin, notre monde est devenu orwellien

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Le livre. Le mot semblait relégué aux poubelles de l’histoire, enfoui dans la part sombre de nos mémoires. Accrochée aux images des camps de la mort, des processions nazies, du goulag et de la Stasi, l’expression paraît appartenir au XXe siècle des manuels scolaires. Or le totalitarisme revient. Ou, plutôt, il n’a jamais disparu, rappelle le philosophe Jean-Jacques Rosat dans L’Esprit du totalitarisme (Hors d’atteinte, 416 pages, 23 euros), un essai consacré à un régime politique qui, de Moscou à Pékin, concurrence et défie le modèle démocratique. Nous entrons même dans le « deuxième âge » des totalitarismes, soutient-il.

En Russie, Vladimir Poutine a mis vingt ans à structurer le « totalitarisme tchékiste », du nom de l’ancienne police politique du régime bolchevique, analyse Jean-Jacques Rosat. L’ancien agent du KGB vise non pas à prolonger l’Union soviétique, mais à inventer un totalitarisme sans parti, avec ses hommes de main (les siloviki), son idéologie empruntant aussi bien à l’orthodoxie qu’à la slavophile et sa détestation d’un Occident « woke » et décadent. « Celui qui ne regrette pas la destruction de l’Union soviétique n’a pas de cœur. Et celui qui veut sa reconstruction à l’identique n’a pas de tête », disait, en 2000, le maître du Kremlin.

La Chine de Xi Jinping, au sein de laquelle le parti dirige la totalité de l’Etat, est sans doute « le régime totalitaire le plus accompli et le plus perfectionné de l’histoire », explique Jean-Jacques Rosat, avec sa manière d’articuler le marxisme-léninisme et le capitalisme dirigé, la surveillance généralisée et la répression des Ouïgours.

Oligarchie soudée

Le totalitarisme s’installe aujourd’hui au cœur même des démocraties, soutient le philosophe, avec « l’américanisme trumpiste » aux Etats-Unis, ce patriotisme à la fois réactionnaire et ultramoderniste armé des puissants outils du « fascisme communicationnel » d’une Silicon Valley droitisée. Il s’affirme en Israël avec le « sionisme négationniste et éliminateur », qui nie l’existence du peuple palestinien et souhaite, écrit-il, son « élimination ». Un courant incarné par Force juive et Mafdal, « deux partis ouvertement racistes et fascistes », dirigés par les ministres Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich.

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