En sortant du bâtiment de l’OTAN à Bruxelles avant de remonter dans sa voiture, jeudi 4 avril, à l’issue de deux jours de discussion avec ses collègues ministres des affaires étrangères, David Cameron a tenu à expliquer « ce qu’il faut faire maintenant » dans une vidéo vue 4,5 millions de fois sur X. Visiblement, le fiasco du Brexit n’a pas entamé l’assurance de l’ex-premier ministre britannique, reconverti en chef de la diplomatie. Avec l’aisance d’un vendeur de Bentley, il énonce les prochaines mesures à prendre pour continuer à soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine. « Il faut faire davantage », scande-t-il.
C’est simple, direct. En matière d’aide militaire à l’Ukraine, les Britanniques ont eu une ligne assez constante depuis 2014, date du début de l’agression armée russe. Londres dit avoir formé 60 000 soldats ukrainiens. Pour les Français, le chemin a été plus compliqué. Ils ont d’abord choisi la voie de la négociation, menée par la chancelière allemande Angela Merkel et le président François Hollande avec leurs partenaires russe et ukrainien, à l’époque où le conflit était localisé dans le Donbass. L’objectif était d’éviter la guerre, la grande, « la guerre à grande échelle ». Ce fut aussi l’objectif du dialogue mené par Emmanuel Macron avec Vladimir Poutine à partir de 2019. Tout cela a échoué. Le 24 février 2022, Poutine, ayant assez joué au négociateur, a lancé la guerre à grande échelle pour conquérir l’Ukraine.
Berlin et Paris ont dû changer de stratégie. Le chancelier Olaf Scholz a décrété la « Zeitenwende », le « changement d’ère », et a tiré les conséquences de cette rupture. Le président français a opéré plusieurs revirements ; il s’est prononcé pour l’élargissement de l’Union européenne à l’Ukraine et à la Moldavie ; il s’est rapproché des pays d’Europe centrale et orientale qui dénonçaient la menace russe depuis deux décennies sans être entendus. Il prend le contrepied de Washington et de Berlin en prônant l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Et depuis le début de l’année, il est sur une ligne beaucoup plus dure à l’égard de la Russie qui, dit-il, n’attaque pas seulement l’Ukraine mais l’Europe. Il ne faut donc plus rien exclure pour affronter cette menace, pas même l’envoi de « nos » troupes.
Expérience de la déception
Cette posture volontariste a fait naître beaucoup d’espoir en Ukraine, où l’on accuse une grosse baisse de moral en raison de la force écrasante du rouleau compresseur russe et des difficultés des alliés occidentaux à monter en gamme et en puissance. Washington reproche à Kiev l’insuffisance de son effort de mobilisation pour recruter des soldats plus jeunes ; Kiev rétorque : « A quoi bon mobiliser de jeunes recrues si l’on n’a pas de quoi les armer ? » La confiance des Ukrainiens à l’égard des Etats-Unis, où l’aide promise de 60 milliards de dollars (55 milliards d’euros) est bloquée depuis six mois, s’érode sérieusement. Arrive dans ce paysage glauque un dirigeant français enthousiaste au verbe fleuri qui secoue le cocotier européen, au risque de se mettre à dos ses partenaires traditionnels, et les Ukrainiens se prennent à rêver.
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