C’est une photographie qui a accéléré le retrait de la candidature de Joe Biden à l’élection présidentielle américaine. Certes, il y avait eu auparavant son débat raté, le 27 juin, contre Donald Trump, aux effets dévastateurs ; ses égarements, ses lapsus et ses confusions, citant, au sommet de l’OTAN, le 11 juillet à Washington, le nom de Poutine au lieu de celui de Zelensky ; son isolement, ces derniers jours, pour cause de Covid-19.
Mais, à l’issue de cette séquence douloureuse pour celui qui était déjà vu comme le « vieux président », c’est une image qui a porté le coup fatal. Elle est parfaite. Signée par Evan Vucci, d’Associated Press, la photo a fait la couverture de Time Magazine, de Paris Match et, sous un angle légèrement différent, la une de l’édition du Monde du 16 juillet.
Trump lève le poing, s’adresse à la foule en hurlant un mot, un seul, rageur… « Fight ». Son visage est maculé de sang, deux gardes du corps, un homme et une femme, l’encadrent, le serrent dans leur bras comme dans un ballet improbable, il cherche à se dégager… « Wait », « Wait »… Donald Trump, ce samedi 13 juillet à Butler, en Pennsylvanie, lors d’un banal meeting électoral, vient d’échapper à la mort, mais il veut saisir ce moment, s’en emparer, crier sa colère, se montrer, s’exposer.
La scène, incroyable, surjouée par un acteur démonstratif, semble extraite d’une série télévisée. Même le ciel, d’un bleu métallique, est de la partie, installé en fond de décor avec, en haut à droite de l’image, le drapeau américain au côté duquel se dessine, tel un symbole, telle une promesse, le poing dressé de Trump. Le poing vengeur de la victoire.
Quel instant décisif
Seule l’histoire dira si la photo d’Evan Nucci est historique. Elle le sera, avec des dizaines d’autres et des vidéos prises ce jour-là par des professionnels de l’image présents au pied de la tribune, si Trump est élu le 5 novembre. Alors, dans les livres, on écrira que le 47e président des Etats-Unis d’Amérique a entamé, de manière sensationnelle, sa reconquête de la Maison Blanche, le 13 juillet à Butler ; et cette photo, ou une autre tout aussi forte, illustrera son exploit. Car c’en serait un, de parvenir à se faire réélire quatre ans après avoir été battu, accablé de poursuites judiciaires scandaleuses et infamantes.
Avant de devenir peut-être historique, la photo d’Evan Vucci est ce qui définit toutes les photos : un « instantané ». Mais quel instant ! Quel instant décisif saisi par le photographe ! Au-delà de sa composition impeccable, l’image assemble trois critères qui, conjugués les uns aux autres, provoquent un fort retentissement avec des conséquences sans doute durables, sur le déroulement de la campagne américaine.
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