ce qu’il faut retenir du débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella

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La tête de liste du Rassemblement national, Jordan Bardella, et le premier ministre, Gabriel Attal, avant le débat, jeudi 23 mai.

C’était l’un des temps forts de cette campagne des élections européennes, à deux semaines du scrutin. Le premier ministre, Gabriel Attal, et la tête de liste du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, ont débattu pendant 1 h 15, jeudi 23 mai, sur le plateau de France 2.

Comme il en a pris l’habitude durant cette campagne, l’eurodéputé RN a tenté de nationaliser les enjeux du scrutin, s’en prenant dès le départ à Emmanuel Macron. Selon M. Bardella, avec ce débat, « c’est un projet et un bilan qui vont se faire face ». « Ce bilan, c’est celui de M. Attal, de M. Macron, de l’Europe de Macron, qui depuis maintenant sept ans rogne le pouvoir d’achat des Français avec l’augmentation des prix de l’énergie, impose la submersion migratoire, une vision punitive de l’écologie et la concurrence déloyale », a-t-il affirmé.

De son côté, le premier ministre a dramatisé les enjeux de ces élections, « les plus importantes de notre histoire », évoquant « le retour de la guerre en Europe, le dérèglement climatique » ou encore les défis posés par l’intelligence artificielle. MM. Attal et Bardella ont ensuite échangé sur la transition énergétique, l’immigration ou encore la défense européenne.

Pour Jordan Bardella, l’Europe est devenue « l’homme malade des économies développées »

Pour l’eurodéputé RN, élu pour la première fois au Parlement en 2019, l’Europe est devenue « l’homme malade des économies développées ». Il a notamment dénoncé un « décrochage économique majeur » qui fait courir « un risque d’effacement de la France sur la scène européenne, mais aussi sur la scène internationale ».

Répétant son ambition de « changer les règles » et « le fonctionnement actuel de l’Union européenne », M. Bardella a affiché son souhait de « « passer de l’idée du libre-échange total au juste échange ». Il a notamment défendu le « patriotisme économique » et l’augmentation des « droits de douane ».

Gabriel Attal a ensuite fustigé la proposition de Jordan Bardella de mettre en place la « priorité nationale dans la commande publique », qui a, a-t-il rappelé, « toujours été proposé par le Front national ». Après avoir donné plusieurs exemples d’entreprises françaises qui ont conclu des contrats dans des pays européens, « si la proposition de Jordan Barella est appliquée, toutes ces entreprises, on leur coupe les jambes », a-t-il fustigé.

« Vous dites : “la France, maintenant va réserver ces marchés publics en priorité aux entreprises françaises”. Les autres pays européens vont faire exactement la même chose et nos entreprises vont perdre des marchés », a poursuivi M. Attal, affirmant que « 80 % de nos PME exportent dans un pays européen ». Or pour M. Bardella, le premier ministre « ne fait pas confiance au savoir-faire français ». « J’assume la fin de la naïveté », a défendu M. Bardella.

Pour Gabriel Attal, « le combat contre le dérèglement climatique, c’est le combat de notre génération »

Interrogé ensuite sur la lutte contre le dérèglement climatique, Gabriel Attal a redit que sa liste propose un « plan d’investissement massif de mille milliards d’euros en 2030 pour la transition écologique, pour l’industrie décarbonée ». Parce que, selon le premier ministre, « le combat contre le dérèglement climatique, c’est le combat de notre génération », arguant que l’Europe « est le continent qui s’est fixé les objectifs les plus ambitieux sur la transition écologique ».

Le premier ministre, Gabriel Attal, jeudi 23 mai, sur le plateau de France 2.

En réponse, Jordan Bardella a « rejoin[t] » le point de vue de M. Attal : « Le défi climatique est l’un des grands défis de notre génération. » Mais, pour lui, « l’enfer est pavé de bonnes intentions », dénonçant « les ambitions environnementales irréalistes » du gouvernement, en faisant référence à l’interdiction de la vente des véhicules thermiques en 2035. Avec cet accord, au-delà de 2035, seuls les véhicules électriques à batterie seront autorisés à la vente sur le marché du neuf, tandis que la vente d’automobiles thermiques d’occasion restera possible.

« Vous allez nous faire passer d’une dépendance que l’on connaît, aux hydrocarbures, qui n’est certes pas viable sur le long terme, à une dépendance totalement inconnue qui va nous remettre notamment entre les mains de la Chine », a attaqué M. Bardella. Une décision européenne justifiée par Gabriel Attal : « Pourquoi est-ce que se fixer à long terme l’objectif de sortir du véhicule thermique, c’est bien pour les Français ? Le prix du baril, dans les années à venir, va nécessairement continuer à augmenter. » Après l’ouverture de gigafactorys de mégabatterie, « on sera en capacité en 2030 de produire 2 millions de véhicules électriques sur le sol français », a assuré le premier ministre.

Sur l’agriculture, Jordan Bardella souhaite moins d’accords de libre-échange

Pour Jordan Bardella, la colère des agriculteurs en France et en Europe au début de 2024 a été causée par « le modèle que défend M. Attal », disant, lui, « croire dans la puissance agricole française ». Pour répondre aux inquiétudes des agriculteurs, M. Bardella propose d’« arrêter de [les] mettre en concurrence avec des produits qui viennent du bout du monde et qui ne respectent aucune des normes économiques, sociales, sanitaires qui sont imposées » aux Français.

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Attaquant « la multiplication d’accords de libre-échange avec des espaces économiques avec lesquels nous ne serons jamais compétitifs », le candidat d’extrême droite estime que ces accords « menacent clairement aujourd’hui l’existence de nos filières », souhaitant « défendre l’exception agricole française ».

Le premier ministre, en retour, accuse M. Bardella de citer « des accords commerciaux très différents les uns des autres », affirmant que le gouvernement et le président de la République se sont opposés au Mercosur. « D’ailleurs, si le Mercosur n’a pas été adopté ou signé, c’est précisément parce que la France, par la voix du président, s’y opposait », argue M. Attal.

Sur la question migratoire, Gabriel Attal ironise sur la proposition de « double frontière » de Jordan Bardella

Durant le deuxième grand thème abordé dans l’émission, le premier ministre a interrogé la tête de liste RN sur sa proposition de « double frontière » au sein de l’Union européenne pour les ressortissants étrangers hors UE. « La double frontière, c’est d’abord le refoulement systématique des bateaux de migrants qui arrivent sur le sol européen », a expliqué M. Bardella. Puis la tête de liste RN propose que « la libre circulation dans l’espace Schengen soit réservée aux ressortissants européens ».

« Par exemple, vous êtes syrien, libyen, vous arrivez en Italie, en Suède, vous obtenez un titre de séjour, par exemple pour travailler. Je ne veux pas que ce titre de séjour vous donne un droit à circuler dans tous les pays de l’Union européenne », a ajouté M. Bardella.

L’eurodéputé du Rassemblement national, Jordan Bardella, jeudi 23 mai, sur le plateau de France 2.

« Comment vous faites pour contrôler tout le monde aux frontières terrestres de la France ? », a répliqué le premier ministre, rappelant qu’il y a « un demi-million de Français qui traversent en voiture les frontières de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie, de la Suisse, de l’Espagne pour aller travailler de l’autre côté de la frontière ».

Rappelant que le code Schengen permet de « rétablir des contrôles aux frontières qui sont aléatoires, moi je veux les renforcer », a promis Jordan Bardella. « En quelques secondes, on est passé dans le programme que vous présentez aux Français d’une double frontière où tout le monde va être contrôlé aux frontières à une augmentation des contrôles aléatoires », a ironisé dans la foulée le premier ministre.

Pour Jordan Bardella, « il y a eu une naïveté collectivité à l’égard de Vladimir Poutine », s’incluant dedans

MM. Attal et Bardella ont abordé durant les dernières minutes de l’émission la question de la Russie et de la guerre en Ukraine. L’occasion, pour le premier ministre, d’attaquer son adversaire du soir sur les liens du Rassemblement nationale avec Moscou. S’il a affirmé que son adversaire n’est pas « particulièrement russophile ou fan de Vladimir Poutine », Gabriel Attal estime « qu’à un moment donné il y a eu une alliance d’intérêt mutuel ».

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« Votre parti, celui de Mme Le Pen et de Jean-Marie Le Pen, avait besoin d’argent. La Russie avait besoin d’un parti en Europe pour affaiblir l’Europe de l’intérieur », a poursuivi M. Attal, pour qui le RN a « beau avoir remboursé [sa] dette, vous avez un contrat moral avec eux, ce qui fait que vous n’êtes pas libre dans vos votes et de vos décisions au Parlement européen ». « Pourquoi vous n’avez pas voté la résolution qui apporte un soutien à Alexeï Navalny qui croupissait dans les geôles russes et qui est décédé aujourd’hui ? » a interrogé Gabriel Attal.

« Au Parlement européen, j’ai toujours été très clair et [j’ai] toujours condamné sans la moindre ambiguïté l’agression de l’Ukraine par la Russie, qui est aujourd’hui une menace multidimensionnelle », a répondu Jordan Bardella. Pour l’eurodéputé RN, il y a eu, en France, « une naïveté collective à l’égard de Vladimir Poutine et de ses intentions », s’incluant dedans.

Alors que ce face-à-face avait été très critiqué par les autres partis pour le manque d’équité de la part de France 2 sur le temps de parole, les huit principales têtes de liste se retrouvent lundi 27 mai sur BFM-TV pour un nouveau débat.

Le Monde

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