Il y a encore quelques jours, alors que la coalition insurgée menée par la faction islamiste radicale Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant) s’emparait d’Alep, la deuxième ville du pays, la bourgeoisie de Damas « continuait à vivre dans une bulle, comme si le navire n’était pas en train de sombrer », rapporte un Syrien qui fait de fréquents séjours dans la capitale. L’indolence n’est désormais plus de mise pour cette élite qui, par choix ou par absence d’alternative, s’est accommodée ces dernières années du régime : les rebelles ont pris le contrôle, mercredi 5 décembre, de Hama, ville du centre de la Syrie, située à 200 kilomètres au nord de Damas, et qui était censée être la ligne de défense des forces loyalistes. C’est un verrou qui s’ouvre, pour les combattants hostiles au régime de Bachar Al-Assad, sur la route vers d’autres zones sous contrôle gouvernemental. Après avoir pris le contrôle de Hama dans la matinée, ils continuaient de progresser au sud de la ville.
Comme à Alep, les forces du régime ont été incapables de faire face. Elles avaient pourtant lancé une contre-offensive dans les jours précédents. Le ministre de la défense, Ali Abbas, a cherché, mercredi, à minimiser cette défaite : il a affirmé que le redéploiement de l’armée et de ses milices alliées était « une mesure tactique temporaire », ajoutant que ces forces « sont toujours à proximité de la ville ». Bachar Al-Assad, lui, ne s’est toujours pas exprimé publiquement – si ce n’est par communiqués – depuis la chute d’Alep. Ses portraits ont été déchirés par les nouveaux maîtres de Hama.
En s’emparant de cette ville, la coalition insurgée pousse son avantage dans le fulgurant retournement militaire qu’elle a opéré, dans un pays où les fronts semblaient encore, fin novembre, devoir rester gelés pour longtemps. Cette alliance, dominée par Hayat Tahrir Al-Cham (ancienne branche d’Al-Qaida en Syrie), a, en quelques jours, plus que doublé son territoire, qui se limitait, jusqu’au 26 novembre, à la région d’Idlib, dans le Nord-Ouest syrien.
« HTC est devenu un groupe très bien équipé. Les factions proturques qui combattent à ses côtés bénéficient du soutien d’Ankara. Tous ont un moral très haut, en raison des succès qu’ils enchaînent. Comme à Alep, les groupes armés disposaient à Hama de cellules dormantes, note un observateur familier du terrain syrien. A l’inverse, l’armée syrienne est dans un état désastreux : fatiguée, démotivée, mal payée. Bachar Al-Assad avait cherché à la moderniser depuis deux ans, sans y parvenir. Dans ce qui peut apparaître comme un acte de désespoir, il avait annoncé le doublement des salaires des soldats pour défendre Hama. »
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