« Avec Grokipedia, l’IA se formera sur le monde tel qu’Elon Musk le décrit, le perçoit et le désire »

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Grokipedia, l’encyclopédie « libre » d’Elon Musk générée et vérifiée par intelligence artificielle, a été mise en ligne le 27 octobre. Si beaucoup n’y ont vu qu’un gadget de plus dans l’empire xAI [l’entreprise d’Elon Musk, concurrente d’OpenAI et spécialisée dans la production d’outils d’intelligence artificielle (IA) générative], cette apparente excentricité cache pourtant une manœuvre redoutablement stratégique : prendre le contrôle de la matière première des intelligences artificielles, à savoir les bases de connaissances qui nourrissent les IA génératives.

Officiellement, Grokipedia se veut une alternative à Wikipédia, que l’ancien ami de Donald Trump juge trop « idéologique » et « biaisée ». A la différence de l’encyclopédie collaborative fondée sur des milliers de contributeurs bénévoles, Grokipedia repose sur des articles rédigés par le chatbot Grok – le pendant de ChatGPT façon Musk/xAI – puis validés par des algorithmes au fonctionnement opaque, loin du pluralisme qui fait la force de Wikipédia. Le résultat est bluffant : plus de 800 000 articles disponibles dès son lancement.

Cette plateforme n’a rien d’un simple outil de consultation : elle devient la matière grise pour entraîner les propres modèles d’IA… d’Elon Musk. Autrement dit, l’IA de Musk se formera sur le monde tel que Musk le décrit, le perçoit et le désire, et plus sur Wikipédia ou d’autres médias jugés trop idéologiques. En somme, « la boucle est bouclée » (« The circle is complete »), comme l’a écrit sur LinkedIn Ethan Mollick, enseignant à la Wharton School (Pennsylvanie) et spécialiste de l’IA.

Représentation préfabriquée

Dans cet univers désiré et façonné par Elon Musk, l’IA ne se nourrit que de sa propre production du réel. Ce que l’on présente comme une innovation technique est en réalité une révolution épistémologique : la connaissance se referme sur elle-même. Le savoir devient auto-généré, auto-validé et auto-enseigné. Ce mécanisme bouleverse la logique même de l’apprentissage machine. Au lieu d’analyser un monde multiple et contradictoire, l’IA s’appuie sur une représentation préfabriquée, uniforme, alignée sur la vision d’un acteur unique : son concepteur.

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