Les vidéos ont toutes le même format : d’abord, l’image d’un manifestant protestant dans la rue contre le dirigeant vénézuélien, Nicolas Maduro, ou d’un internaute critiquant le régime sur les réseaux sociaux. Puis, cette même personne face caméra, filmée sur fond de logo de la police, l’air contrit, se disant repentie et demandant pardon au chef de l’Etat. Le tout agrémenté d’images ou de musiques de films d’horreur, issues par exemple d’un long-métrage avec Freddy Krueger ou de Chucky.
Le site Armando.info a publié une vingtaine de vidéos de ce type, mises en ligne par les comptes officiels de divers organismes de sécurité vénézuéliens. « Le régime utilise la terreur pour inhiber toute velléité de protestation, avec une composante médiatique qui n’existait pas avant, explique au Monde le sociologue et défenseur des droits humains Rafael Uzcategui, codirecteur du centre de réflexion Laboratorio de Paz. Avant, les dictatures “traditionnelles” essayaient d’occulter les abus de pouvoir. Aujourd’hui, ceux-ci sont au contraire mis en avant pour faire peur. »
Les menaces sont devenues explicites, alors que beaucoup d’exilés craignent pour leurs proches restés au pays. Le 20 août, s’adressant aux artistes et influenceurs vénézuéliens installés à l’étranger et soutenant l’opposition, M. Maduro a averti : « A vous de décider si vous voulez continuer à faire carrière, avec votre famille au Venezuela. » Il a surtout mentionné l’ultrapopulaire influenceuse Lele Pons, 28 ans, qui a réalisé un « live » avec l’opposante Maria Corina Machado réunissant 10 millions de vues.
Le dirigeant ne prend d’ailleurs plus la peine de cacher ses prétentions antidémocratiques : « Quand ce sera mon tour de passer le pouvoir, je le passerai à un président ou une présidente chaviste, bolivarienne et révolutionnaire », a-t-il déclaré lundi 2 septembre.
Au Venezuela, depuis l’élection présidentielle du 28 juillet, la répression s’est abattue d’une manière inédite contre tous ceux qui contestent la victoire de M. Maduro. Celle-ci a été proclamée, sans qu’il en fournisse la preuve, par le Conseil national électoral dès le soir du vote, alors que l’opposition, qui se fonde sur 83 % des procès-verbaux du scrutin qu’elle a réussi à obtenir, assure que c’est son candidat, Edmundo Gonzalez, qui l’a emporté. En seulement deux jours de protestations après cette proclamation, les 29 et 30 juillet, au moins vingt-quatre personnes ont été tuées, souvent par balles. Les colectivos, milices paramilitaires, semblent impliqués dans dix-neuf morts, souligne un rapport de l’ONG Acled, qui décrit une répression « plus impitoyable » que celle des manifestations de 2019, après la réélection contestée, là encore, de Nicolas Maduro.
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