Alors que la rumeur a pris de l’ampleur en moins de vingt-quatre heures au Royaume-Uni, le premier ministre Keir Starmer, présent à Paris jeudi 29 août, n’a pas écarté que le gouvernement britannique envisage d’étendre l’interdiction de fumer à certains espaces extérieurs, dont les terrasses des pubs et restaurants.
« Mon point de départ est de rappeler à tout le monde que plus de 80 000 personnes perdent la vie chaque année à cause du tabagisme » au Royaume-Uni, a-t-il déclaré alors qu’il était interrogé par des journalistes à l’Elysée. « Il s’agit de morts évitables, d’une charge énorme pour le NHS [National Health Service – service public britannique de la santé] et, bien sûr, d’une charge pour le contribuable. Alors oui, nous allons prendre des décisions dans ce domaine », a-t-il poursuivi, ajoutant que plus de détails seraient dévoilés ultérieurement.
Cette confirmation fait suite à la publication mercredi soir d’un article du tabloïd conservateur The Sun, où il affirme que le gouvernement envisage « d’étendre radicalement l’interdiction de fumer » aux terrasses des pubs et restaurants en plein air, se basant sur une fuite de documents qu’il a consultée. Cette interdiction vaudrait aussi à l’extérieur des boîtes de nuit, des stades de foot, sur les trottoirs près des universités et des hôpitaux, et dans certains parcs.
« Ce serait la fin des pubs », fustige Nigel Farage
Cette révélation a provoqué un tollé de réactions politiques dans les médias. Le projet a été salué par des professionnels de santé mais vivement critiqué par des pubs, secteur en grande difficulté ces dernières années, ainsi que par des figures du parti conservateur.
Le chef de file de la campagne du Brexit Nigel Farage, devenu député à l’occasion des dernières élections, a immédiatement fustigé toute extension de l’interdiction de fumer aux espaces extérieurs, en déclarant au Sun : « Ce serait la fin des pubs. »
« Je n’irai plus jamais au pub si l’on interdit de fumer à l’extérieur. Les puritains sont en marche », a-t-il encore déclaré dans une tribune du Telegraph. Robert Jenrick, candidat à la direction du parti conservateur, a lui aussi décrié ces possibles mesures auprès du tabloïd, estimant que « la dernière chose dont ce pays a besoin est la fermeture de milliers de pubs ».
« Alors que nous examinons les implications de ces restrictions potentielles, nous devons nous demander si une telle approche est vraiment dans l’intérêt du public, ou si elle risque d’entraîner une réglementation excessive au détriment de la liberté individuelle et de la viabilité des entreprises », a fait savoir de son côté Michael Kill, directeur général de l’Association des industries nocturnes. Emma McClarkin, directrice générale de la British Beer and Pub Association, a également demandé gouvernement de « reconsidérer » ses plans : « De telles restrictions auraient un impact dévastateur sur les pubs, qui luttent déjà avec la flambée des prix de l’énergie et le coût faramineux de l’activité. »
Le projet de loi sur le tabagisme sur lequel travaille le gouvernement de Keir Starmer a été initialement conçu pour mettre en œuvre celui lancé par son prédécesseur conservateur Rishi Sunak, visant à interdire progressivement toute forme de tabagisme. Mais de telles mesures de restriction en plein air n’avaient jusqu’alors pas été publiquement annoncées par les travaillistes, ni pendant la campagne législative ni depuis leur arrivée au pouvoir.
Dépenses considérables pour le NSH
Selon ce plan, qui n’est pas devenu une loi en raison du déclenchement anticipé des élections, l’âge légal auquel les Anglais peuvent acheter des cigarettes sera relevé d’un an chaque année, jusqu’à ce que la vente de tabac devienne illégale pour l’ensemble de la population.
Le nombre de fumeurs au Royaume-Uni a diminué de deux tiers depuis les années 1970, mais quelque 6,4 millions de personnes dans le pays – soit environ 13 % de la population – fument encore, selon les chiffres officiels. En 2007, l’âge légal de vente du tabac est passé de 16 à 18 ans, parallèlement à l’interdiction de fumer à l’intérieur des bâtiments. Pourtant, les maladies liées au tabagisme pèsent lourdement sur le service national de santé, dont le coût s’élève à plus de 2,5 milliards de livres par an rien qu’en Angleterre.
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Interrogé pour savoir si de telles mesures de restrictions rompraient la promesse qu’il avait faite après les élections de « ménager » la vie des électeurs, M. Starmer a déclaré depuis Paris qu’il était important de « trouver un juste équilibre ». « Mais tous ceux qui nous regardent et qui utilisent le NHS savent qu’il est à genoux. Nous devons alléger le fardeau et c’est pourquoi j’ai parlé, avant les élections, de passer à un modèle préventif en matière de santé », a-t-il plaidé.