Au Royaume-Uni, la bataille des petites entreprises et des associations pour garder leur compte en banque

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Devant le siège de la banque privée Coutts, à Londres, le 28 juillet 2023.

L’affaire a démarré en juin 2023. L’ancien leader britannique d’extrême droite Nigel Farage, aujourd’hui simple présentateur de talk-shows à la télévision, a annoncé publiquement que sa banque, Coutts, fermait son compte, sans explication. « Persécution politique », dénonçait-il. M. Farage estimait qu’il était exclu de cet établissement réservé aux clients fortunés à cause de ses opinions.

Après quelques semaines d’agitation, ce maître des campagnes médiatiques a obtenu des documents internes de Coutts qui semblaient lui donner raison. Un comité interne chargé d’évaluer les risques pour la réputation de l’établissement estimait, en effet, que M. Farage était considéré « au mieux comme xénophobe et faisant le jeu des racistes ». Il s’interrogeait aussi sur ses liens potentiels avec la Russie. Conclusion de la banque : l’homme est « en contradiction avec [leur] position en tant qu’organisation inclusive ».

L’ancien homme politique a gagné sa bataille. Il a changé de banque, mais il a obtenu la démission d’Alison Rose, la directrice de NatWest, la banque qui possède Coutts. Il demande désormais compensation.

Ce qui aurait pu être un simple épiphénomène a ensuite délié les langues. Petites entreprises et associations caritatives ont commencé à se plaindre de voir régulièrement leurs comptes en banque fermés, souvent sans préavis. Un comité parlementaire a ouvert une enquête. En février, il a publié des premiers chiffres : chaque année, plus de 140 000 comptes de petites et moyennes entreprises (PME) sont fermés à l’initiative de leur banque, soit 2,7 % du total. Le 22 avril, l’ombudsman financier britannique a révélé que le nombre de plaintes pour fermeture intempestive de compte avait progressé de 44 % d’avril 2023 à mars 2024, par rapport à l’année précédente.

Importantes vérifications

Le point commun entre M. Farage et les milliers de petites entreprises concernées est le durcissement des règles de lutte contre le blanchiment d’argent. Les banques doivent désormais surveiller les « personnalités politiquement exposées », considérées comme plus à risque de corruption. Elles doivent aussi prouver qu’elles ont mis en œuvre toutes les procédures pour « connaître leur client », qui nécessitent d’importantes vérifications. Et dans le même temps, la régulation qui impose plus de fonds propres et de liquidités a rendu les établissements nettement moins rentables qu’autrefois.

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La conséquence est que de nombreux établissements n’ont ni le temps ni l’argent ni l’appétit pour réaliser les vérifications nécessaires pour de toutes petites entreprises ou associations caritatives. Avec parfois des cas ubuesques, comme celui de l’association des Amis du clocher de Hornsey, une vieille église médiévale du nord de Londres. Celle-ci s’occupe normalement d’y louer une salle, de répertorier les tombes du cimetière et organise deux fois par mois une journée d’entretien des jardins. En novembre 2023, raconte le Financial Times, Barclays a soudainement fermé son compte, sans explications. Nick Allaway, un ancien comptable et membre de son conseil d’administration, a dû payer de sa poche les fournisseurs, et refuser les donations.

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