Pour la première fois, des vidéos et des photos ont été diffusées, vendredi 4 octobre, en présence du public, au procès des viols de Mazan, à Avignon, sans pour autant faire évoluer les accusés concernés qui ont presque tous maintenu qu’ils pensaient participer à un « scénario » libertin.
Revenant sur la décision initiale de son président, Roger Arata, la cour criminelle de Vaucluse a en effet décidé à la mi-journée, après un long débat de près de deux heures entre les parties, que les images diffusées lors ce procès emblématique des violences faites aux femmes et de la soumission chimique le seraient désormais en présence de la presse et du public. Et dès l’audience de l’après-midi, neuf vidéos et une poignée de photos ont donc été montrées. Toutes concernaient les sept accusés, sur les 51 jugés, dont les cas étaient examinés cette semaine.
La diffusion de ces images, soigneusement archivées par Dominique Pelicot, qui a reconnu avoir drogué son épouse Gisèle de 2011 à 2020, à son insu, afin de la violer et de la faire violer par des dizaines d’hommes qu’il avait recrutés sur Internet, a pour objectif de confronter les accusés à leurs déclarations. La plupart affirment en effet avoir cru participer au fantasme d’un couple échangiste ou ne pas s’être rendu compte de l’état d’inconscience de Gisèle Pelicot.
« Un sens à sa souffrance »
Pendant près d’une heure et demie, ces images ont été montrées sur les écrans d’une salle d’audience retenant son souffle, et sur ceux d’une salle annexe où une soixantaine de membres du public avaient pu prendre place. Gisèle Pelicot, sur le banc des parties civiles, est restée la plupart du temps penchée sur son téléphone portable, tandis qu’en face d’elle, dans le box des accusés, de l’autre côté de la salle, son ex-mari se cachait les yeux d’une main ou détournait le regard.
Les autres accusés ont adopté des attitudes variées : les uns se regardant sans broncher s’affairer autour de Gisèle Pelicot, gisant sur le lit de la chambre du domicile conjugal à Mazan, d’autres préférant regarder le sol. Brièvement interrogés, tous ont toutefois maintenu leur ligne de défense.
Le 20 septembre, après la diffusion de premières vidéos et photos, le magistrat avait décidé d’exclure la presse et le public pour les projections ultérieures, en raison de leur caractère « indécent et choquant ».
Mais les avocats de Gisèle Pelicot avaient décidé de contester cette mesure, recevant vendredi matin le soutien du ministère public. Après le revirement de la cour, ils ont immédiatement parlé de « victoire ». « Pour Gisèle Pelicot, il est trop tard, le mal est fait. Les deux cents viols qu’elle a subis par ces dizaines d’hommes qui sont venus la violer dans sa chambre à coucher alors qu’elle était inconsciente, la brutalité des débats qui se tiennent dans cette salle, elle devra vivre avec pour le restant de sa vie », avait argumenté à l’audience Me Babonneau.
Opposition des avocats de la défense
Pour son autre avocat, Me Antoine Camus, ces vidéos « font s’écrouler la thèse d’un viol accidentel ». « Elles montrent que ce sont des viols par opportunité et que, au-delà, il était question d’avilir, d’humilier, de salir, il était en réalité question de haine de la femme. Aucun n’a dénoncé les faits, chacun a contribué à sa petite échelle à cette banalité du viol, à cette banalité du mal », avait ajouté Me Camus.
Plusieurs avocats des cinquante coaccusés à ce procès hors norme se sont en revanche farouchement opposés à la présence du public et de la presse pendant la diffusion des vidéos. « La justice n’a pas besoin de ça pour passer, à quoi bon ces projections nauséabondes ? On a eu droit à une projection sur un premier cas. Un film n’a pas suffi ? », a ainsi plaidé Me Olivier Lantelme, sans succès donc. Il faisait référence à la diffusion, jeudi 19 septembre, d’images glaçantes sur lesquelles on voit un accusé abuser de Gisèle Pelicot complètement inerte.
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L’audience rependra, lundi, avec l’examen d’un nouveau groupe de cinq accusés. Le verdict est attendu à la mi-décembre.