Au Mirail à Toulouse, habitants, squatteurs et trafiquants se partagent un immeuble fantôme en attente de démolition

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Le jour vient à peine de se lever et le vent froid de décembre s’engouffre dans les coursives désertes de la barre d’immeuble Messager, dans le quartier déshérité de la Reynerie, au Mirail, dans l’ouest de Toulouse. Dans ce vaisseau fantôme à la morne façade, la quasi-totalité des 261 appartements, répartis en tripode sur treize étages, ne possèdent plus de portes d’entrée, remplacées par des plaques de métal soudées au mur. Pour dissuader les squatteurs, les carreaux des fenêtres ont été brisés. Seulement quatorze logements restent occupés, par les derniers propriétaires en lutte depuis plus de dix ans contre la démolition de leur bâtiment.

Au cinquième étage, vivent Fatima et Mohamed Fayek, 58 et 62 ans. Ils ont acheté leur duplex, un T6 de 120 mètres carrés, en 2008. « Vivre dans ce bâtiment, c’est une déchirure. C’est un vide. Vous perdez vos repères », témoigne M. Fayek, ancien agent d’entretien dans un lycée, mis en préretraite pour invalidité après l’opération d’une tumeur sur la moelle épinière. « Pourquoi rester ? D’abord parce que, lorsqu’on nous a parlé pour la première fois de démolition en 2014, je n’avais pas terminé de rembourser mon crédit. Et puis mon épouse conservait l’espoir que l’immeuble serait rénové plutôt que détruit. Ici c’est chez nous, c’était notre avenir, on a fait des sacrifices pour acheter notre bien. Donc je n’accepte pas d’être mis à la porte de chez moi comme ça. »

Mohamed et Fatima Fayek, dans le salon de leur appartement dans l’immeuble Messager, situé à l’entrée du quartier de la Reynerie, au Mirail. A Toulouse, le 6 décembre 2024.

A l’orée des années 1970, l’immeuble fut pourtant la promesse architecturale d’une enviable modernité et d’une vie confortable, dans de vastes appartements lumineux, traversants, sans vis-à-vis, signés de l’architecte de renom Georges Candilis (1913-1995), ancien collaborateur de Le Corbusier (1887-1965). Son projet urbain se voulait visionnaire : un paysage minéral de gigantesques tripodes reliés les uns aux autres, où filaient, dans les étages, plusieurs centaines de mètres de coursives extérieures, pensées comme autant de rues piétonnes. « La philosophie des architectes était de proposer un nouveau mode de vie hyperqualitatif par le biais de cet urbanisme de dalle, pour les familles et les jeunes actifs des classes moyennes et aisées », rappelle Sandrine Diaz, directrice du développement des services aux habitants du Groupe des Chalets, à la fois bailleur social des appartements HLM du Messager, qui mêle logements sociaux et appartements privés, et opérateur de la démolition du bâtiment, mandaté par la métropole de Toulouse.

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