Zahraa Cheikhouna n’a qu’un désir : « Trouver un logement en dur, où on se sente un minimum à l’abri. » Mardi 1er octobre, alors que des drones de surveillance israéliens grésillent dans le ciel, cette femme de 26 ans raconte la nuit qu’elle vient de passer avec son mari et leurs deux jeunes enfants, dans la tente igloo qu’ils ont réussi à trouver : « Je n’ai pas dormi. Nous avons entendu le bruit des détonations des frappes au loin, sur la banlieue sud [de Beyrouth]. Les enfants étaient effrayés. Puis il y a eu la pluie. Que va-t-on faire si la saison des pluies commence ? »
A cran, comme tout le Liban, elle pointe un bombardier étranger (Beyrouth n’en dispose pas) qui a entamé sa descente vers l’aéroport, en frémissant : « Qu’est-ce que c’est ? Il va nous bombarder ? » Son époux non plus n’a pas fermé l’œil : « Il veille chaque nuit, de peur que des voyous s’approchent. » Une rafale de vent soulève un pan de la petite tente, posée sur un trottoir du centre de Beyrouth, entre un terrain buissonneux et le front de mer qui jouxte Zaitunay Bay, une marina pour yachts bordée de restaurants désormais fermés, et dont les accès ont été cadenassés pour que les déplacés n’y accèdent pas.
Abrités dans des écoles
Zahraa a fui avec les siens, « à quatre sur un scooter », le quartier de Laylaki, en banlieue sud de la capitale, dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 septembre, après les gigantesques bombardements israéliens qui ont tué Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah. Ceux-ci, tout comme les ordres d’évacuation qui ont suivi et les lourdes frappes nocturnes, ont poussé à l’exode de nombreux habitants de la vaste périphérie chiite, place forte du Hezbollah. Plusieurs centaines de milliers de personnes y vivaient.
D’autres familles se sont installées sous des tentes ou des bâches de fortune, sur le même trottoir. Des Beyrouthins imperturbables y passent en faisant leur jogging. Peu avant, des volontaires ont distribué aux déplacés un peu de nourriture. « Nous avons appelé des écoles [ouvertes comme abris pour les déplacés] pour nous y rendre, mais elles sont pleines. Nous n’avons pas les moyens de louer un logement », explique Zahraa. Ils n’ont emporté aucune affaire et ne peuvent retourner en chercher : « La rue qui mène à notre maison est fermée, remplie de décombres. » De lourds bombardements israéliens sur la banlieue sud ont de nouveau été entendus, dans la nuit de mardi à mercredi.
Dans ce pays de 5,5 millions d’habitants, l’offensive de l’Etat hébreu lancée le 23 septembre dans le but de mettre le Hezbollah à genoux a jeté sur les routes environ un million de personnes, selon les autorités libanaises – un chiffre repris par l’ONU. Des départs dans l’urgence et le chaos depuis le sud et l’est du pays, ainsi que la banlieue sud de la capitale, régions en majorité chiites.
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