L’annonce a eu l’effet d’un coup de tonnerre au Liban. Puis, rapidement, la surprise a laissé place aux interrogations et aux soupçons de la part des Libanais, peu habitués à ce que l’oligarchie politico-financière soit inquiétée par la justice. Mardi 3 septembre, l’ancien gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a été placé en garde à vue à Beyrouth pour des soupçons de « détournement de fonds publics ».
A la tête de la banque centrale pendant trente ans, de 1993 à juillet 2023, le grand argentier libanais, âgé de 74 ans, n’avait jamais été arrêté, malgré un mandat d’arrêt délivré par la France en 2023 et un signalement Interpol. Suspecté de détournement de fonds publics et de blanchiment d’argent, des allégations qu’il nie, il fait l’objet de plusieurs enquêtes au Liban et en Europe.
« Riad Salamé a toujours été à la disposition de la justice libanaise. Il s’est donc rendu à la convocation du procureur général de Beyrouth, comme il s’était précédemment rendu à toutes les convocations de magistrats libanais au préalable », a réagi pour Le Monde son avocat parisien, Pierre-Olivier Sur. Riad Salamé s’est vu notifier sa garde à vue par le procureur général par intérim près la Cour de cassation, Jamal Hajjar, au terme d’une audition de trois heures.
Cette garde à vue, destinée à un complément d’enquête, ne pourra excéder la durée légale de quatre jours. Selon une source judiciaire ayant requis l’anonymat, citée par l’Agence France-Presse, une procédure pénale pourrait être engagée à l’encontre de M. Salamé pour « détournement de fonds publics, falsification, abus de pouvoir et blanchiment d’argent ».
Son audition, mardi, a porté sur l’affaire Optimum, qui concerne des transactions jugées suspectes entre la banque centrale et la société de courtage libanaise Optimum Invest, gérée au moment des faits par un parent par alliance de M. Salamé. Un audit juricomptable, réalisé par le cabinet international Kroll, a relevé des transactions d’un montant de 8 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros) entre 2015 et 2018. « Ces transactions auraient, dans leur quasi-totalité, permis de maquiller les pertes de la BDL résultant des ingénieries financières élaborées par Riad Salamé. L’enquête doit désormais le prouver », souligne l’avocat fiscaliste Karim Daher.
Refus de livrer des informations
Le banquier a, tout particulièrement, été interrogé sur 40 millions de dollars de commissions douteuses parmi 111 millions de dollars de bénéfices placés sur un « compte de consultation » ouvert à la BDL, dont les bénéficiaires sont inconnus. Ces sommes ont été mises en lumière dans l’audit juricomptable rendu par le cabinet de conseil Alvarez & Marsal en juillet 2023. Riad Salamé a toujours refusé de livrer les informations relatives à ce compte, au nom du secret bancaire. Son remplaçant par intérim, Wassim Mansouri, les a remises au juge Hajjar, qui a ouvert l’enquête fin juillet après avoir pris la suite du juge Ghassan Oueidate, en février.
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