Deux immenses trous ont été laissés par les missiles qui ont transpercé un petit immeuble d’une ruelle étroite du centre-ville de Baalbek, dans le nord-est du Liban. Dans les décombres de l’édifice, en partie effondré, sont éparpillés les vêtements et les photos de la famille Khala. Deux femmes et quatre enfants ont été tués dans la frappe israélienne qui s’est abattue, lundi 21 octobre, sur le bâtiment. Les voisins, qui viennent chercher des affaires dans leur logement, rendus inhabitables par le souffle de l’explosion, se refusent à dire si la famille comptait un membre du Hezbollah. Des jeunes du parti chiite gardent le site et une oreille sur les conversations.
« Ce sont des sacrifices que nous faisons pour nos combattants. Nous leur donnons notre âme et notre sang. Si nous ne défendons pas notre pays, qui le fera ? », clame Oum Mohamed. Cette mère de 43 ans, directrice d’un lycée de Hadeth, dans la banlieue sud de Beyrouth, est réfugiée chez ses parents, deux maisons plus loin. Elle a fui la capitale libanaise le 25 septembre, sous la menace des bombardements israéliens. Sa maison et son lycée ont été détruits. Le Parti de Dieu leur a promis de reconstruire les maisons, mais Oum Mohamed s’étonne de n’avoir vu aucune distribution d’aide du parti à Baalbek.
Depuis qu’Israël a lancé une vaste offensive sur le Liban, le 23 septembre, les institutions locales du Hezbollah sont systématiquement visées. Lundi, en même temps que le siège d’Al-Qard Al-Hassan, l’organisation de microcrédits du parti chiite, était bombardé à Beyrouth, sa branche à Baalbek était également anéantie. L’explosion a aussi soufflé l’intérieur du restaurant Al-Ajami, fréquenté depuis des décennies par les artistes et les personnalités politiques qui se pressent, au mois de juillet, au festival de musique, organisé dans les majestueuses ruines gréco-romaines de Baalbek. Ces deux mondes cohabitent depuis que la ville, classée au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, et ancienne étape sur la route du pèlerinage à Jérusalem, est devenue un fief du Hezbollah.
L’heure n’est pas à la critique
Le Parti de Dieu y a été fondé en 1982, à l’instigation d’émissaires de la toute jeune République islamique d’Iran. Puis le centre de gravité du mouvement s’est déplacé au Liban sud et dans la banlieue sud de Beyrouth. Baalbek demeure toutefois un important bastion du Hezbollah tout comme la plaine de la Bekaa, par où transitent les armes en provenance de Syrie. Dans les quartiers chiites de la ville, les murs sont couverts de photos des « martyrs », notamment de Hassan Nasrallah, l’ancien secrétaire général du Hezbollah, tué le 27 septembre par Israël, et de portraits de l’ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême iranien.
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