LETTRE DE NAIROBI
« C’est l’histoire d’un type, il a comme qui dirait des problèmes sexuels. Alors il se rend dans une forêt pour trouver des herbes et fabriquer une potion qui l’aiderait à aller mieux. Sauf que, juste avant, des voleurs ont braqué une banque et, poursuivis par la police, ils ont jeté le sac contenant l’argent volé et un revolver dans cette même forêt. Le gars qui a des problèmes sexuels tombe sur le sac… » L’homme qui raconte l’histoire à la terrasse d’un café de Nairobi s’arrête un instant et rigole en imaginant la scène de l’impuissant découvrant un sac plein de billets de banque dans les bois. Frank Kimani, 70 ans, est en train de dérouler le pitch de son dernier film, Muhuko wa mbeca. Littéralement « un sac d’argent » en langue kikuyu. Il l’a tourné en vingt-quatre heures avec deux caméras louées à la journée. Il en est aussi le producteur, le scénariste et l’acteur principal.
Depuis ses débuts, Frank Kimani a tourné près d’une trentaine de films. Il est l’une des figures de « Riverwood », la modeste mais dynamique industrie cinématographique kényane dont les films ont la singularité d’être tournés dans des langues vernaculaires : le luo, le kalenjin, le kikuyu, le kiswahili… « Ces films sont faits et pensés pour être diffusés dans les villages loin des grandes villes du pays. Là où il n’y a aucun cinéma », explique Simon Otieno, professeur de cinéma à l’université de Nairobi. Le Kenya ne comptait, en 2024, que 29 grands écrans pour 55 millions d’habitants.
Il vous reste 77.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.