au Japon, la justice pénale peine à se réformer

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LETTRE DE TOKYO

Iwao Hakamada sors de son appartement à Hamamatsu (Japon), le 17 octobre 2024.

L’acquittement, le 26 septembre par le tribunal de Shizuoka, de Iwao Hakamada, qui a passé près de quarante-six ans dans les couloirs de la mort, a jeté une lumière crue sur les carences et dysfonctionnements de la justice pénale japonaise. Cette erreur judiciaire d’une ampleur inégalée par son étalement dans le temps n’est en fait que la partie immergée d’un iceberg : le traitement souvent abusif des suspects placés en garde à vue dans les commissariats.

Nombre de suspects de délits moins graves que l’assassinat de quatre personnes – dont fut accusé Iwao Hakamada – sont traités par la police et les procureurs de la même manière que ce dernier au cours de sa garde à vue. M. Hakamada fut interrogé durant 264 heures pendant vingt-trois jours, jusqu’à ce qu’il craque et « avoue » les meurtres qu’il n’avait pas commis. A son premier procès, il ne fut tenu aucun compte de ses rétractations ni des violences dont il disait avoir été victime. Les « aveux », fussent-ils forcés, sont considérés comme des éléments probants.

Selon une enquête de l’agence de presse Jiji, les trois quarts des personnes inculpées d’un meurtre et acquittées lors d’un procès en appel avaient avoué sous la contrainte au cours des interrogatoires. Ce fut le cas de quatre condamnés à mort. Selon Toshikuni Murai, juriste spécialiste du droit pénal à l’université Hitotsubashi à Tokyo, cité par Jiji, « les tribunaux de première instance jugent sur la base des aveux » obtenus au cours d’interrogatoires.

« Vies déchirées, familles brisées »

Dans un rapport, « Le système de justice de l’otage au Japon », publié en mai 2023, l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch met en évidence les carences du traitement des suspects placés en garde à vue : privés du droit à la présomption d’innocence, du droit au silence et de la présence d’un avocat, ils sont soumis sans relâche à des interrogatoires. Sous une surveillance constante, les suspects sont souvent privés de tout contact avec les membres de leur famille ou avec leur employeur.

La période de garde à vue au Japon est en principe limitée à vingt-trois jours (vingt-quatre heures en France, temps éventuellement prolongé à 144 heures maximum). Invoquant souvent d’autres infractions mineures, les enquêteurs obtiennent généralement du procureur une prolongation de la garde à vue.

« Le gouvernement doit entreprendre d’urgence une réforme du code de procédure pénale afin de garantir aux détenus le droit à un procès équitable et responsabiliser davantage enquêteurs et procureurs », estime Human Rights Watch dans son rapport. Selon Mme Kanae Doi, sa directrice pour le Japon, « ces pratiques abusives ont déchiré des vies, brisé des familles et mené à des condamnations injustifiées ». Elles peuvent avoir des conséquences dramatiques lorsqu’elles conduisent à la détention à perpétuité ou à la peine de mort.

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