En septembre 2023, une centaine de stations sismiques à travers le monde enregistrent à tour de rôle un signal. L’oscillation détectée est déroutante. Les sismomètres mesurent une onde mono fréquentielle, comparable à un bourdonnement monotone, très différent des signaux associés aux tremblements de terre, habituellement multifréquentiels. Le phénomène est enregistré pendant une période anormalement longue de neuf jours.
Au terme de plusieurs mois d’enquête, un groupe de scientifiques révèle dans une étude, publiée le 12 septembre dans la revue Science, les causes de cette mystérieuse secousse. En s’appuyant sur des données satellitaires et des photographies aériennes, les géophysiciens reconstituent le déroulé des événements.
Le 16 septembre 2023, dans l’est du Groenland, au niveau du fjord Dickson, un sommet de montagne s’effondre, emportant dans sa chute un glacier. Environ 25 millions de mètres cubes de roche et de glace, soit l’équivalent de 10 000 piscines olympiques, dévalent la pente à grande vitesse et plongent dans le fjord. Cette déferlante génère une impulsion colossale, déclenchant un méga tsunami de 200 mètres de haut dans cette région désertique du cercle polaire. Aucune victime n’est à déplorer, seul du matériel scientifique, au niveau de la station Ella Ø, à 70 kilomètres du fjord, est endommagé.
« Mouvement de balancier »
« La topographie fermée du fjord a permis à la vague de ricocher d’un versant à l’autre, explique Antoine Lucas, chercheur à l’Institut de physique du globe, à Paris, coauteur de l’étude, prenant l’image d’une bassine remplie d’eau que l’on transporterait à bout de bras. L’énergie générée était telle que la vague a maintenu ce mouvement de balancier et créé des ondes sismiques qui se sont propagées sous le fjord jusqu’aux différents réseaux de stations. » C’est à ce moment que les sismomètres se sont affolés, enregistrant pendant plus d’une semaine une fréquence jamais observée auparavant.
Pour arriver à ces conclusions, plus de 68 scientifiques issus de 40 institutions dans 15 pays ont combiné des données de sismométrie, des infrasons, des mesures de terrain et des images prises au sol et par satellite. Un travail de longue haleine. « La localisation de la source du signal a été rapidement identifiée et les données satellitaires ont confirmé le glissement de terrain, explique le chercheur français. Une mission en hélicoptère a ensuite permis de réaliser des relevés photographiques pour reconstituer le déroulement des événements en haute résolution. »
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