
LETTRE DU LAOS
A moitié submergée dans les eaux boueuses du Mékong, la péniche gît sur le flanc, coque rouillée bien visible, calée près de la rive. Boonmee, dont on taira le nom de famille, tient au travail bien fait : assis sur une chaise en plastique posée sur l’herbe, en short et chemise à carreaux, il ne quitte pas des yeux les ouvriers qui se relaient pour souder une plaque sur le flanc de son rafiot. Il en possède trois, celui-ci est piloté par son fils. Nous sommes à Tonpheung, une bourgade laotienne aux portes du Triangle d’or, la région qui, depuis la Thaïlande, remonte de part et d’autre du Mékong entre Laos et Birmanie jusqu’au premier port chinois, Guanlei.
Les péniches d’une centaine de tonnes de Boonmee ne vont plus beaucoup jusqu’en Chine : Pékin n’autorise désormais que les bateaux de 200 tonnes. Le train qui relie la frontière chinoise à Luang Prabang et Vientiane, au Laos, toutes deux sur les rives du Mékong, a siphonné le trafic fluvial. Et puis, explique le vieux capitaine, il faut compter avec les « hua dam », les « bateaux noirs » des pirates liés aux narcotrafiquants qui rançonnent les bateliers. En octobre 2011, le massacre des équipages au complet de deux péniches chinoises (13 personnes avaient trouvé la mort) avait conduit à l’arrestation d’un chef de gang birman, Naw Kham, exécuté en Chine en 2013. Mais, avec la guerre en Birmanie, la drogue coule plus que jamais à flots de l’Etat Shan, la province birmane sur la rive occidentale du fleuve. Le pays est le premier producteur mondial d’opium et le premier d’Asie pour les métamphétamines.
Il vous reste 72.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.