Au collège Pablo-Neruda d’Aulnay-sous-Bois, un plan pour casser la ségrégation et « montrer que l’excellence existe aussi dans ces quartiers »

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Une élève de 6ᵉ B durant le cours de culture antique, dans le collège Pablo-Neruda d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 10 septembre 2024.

Les 6e B du collège Pablo-Neruda d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ont pris place pour leur premier cours de français et culture antique. Les vingt-trois élèves ont commencé par parler de ce que leur évoque le latin, se sont entraînés à lire des mots avec la prononciation idoine, et se sont essayés, non sans amusement, à saluer leur enseignante d’un « Ave magistra ». La feuille tout juste déposée sur leur bureau et dont l’en-tête leur annonce qu’ils « parl[ent] déjà latin » les laisse dubitatifs. Mais, au fil des définitions que leur soumet leur enseignante, les mains se lèvent, et les mots s’égrènent : « agenda », « aquarium », « vidéo », « lavabo »… Un vocabulaire qu’ils connaissent bel et bien, dont ils découvrent l’origine qu’ils ne soupçonnaient pas.

Cours de culture antique enseigné par madame Osmont-Grindel, professeur de français, aux élèves de 6ᵉ B du collège Pablo-Neruda d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 10 septembre 2024.

« L’enjeu est de les accrocher de manière ludique à cette matière qui ne s’enseigne normalement qu’en option à partir de la 5e », explique Marie Osmont-Grindel, leur enseignante. Le pari est réussi, à en croire le « oui » qu’elle entend lorsqu’elle clôture la séance en leur demandant s’ils souhaitent continuer. L’expérience est une première pour cette professeure de lettres classiques, qui enseigne depuis six ans dans cet établissement scolaire parmi les plus défavorisés du pays où le latin, jusqu’alors, n’existait pas.

Ce cours de culture antique en 6e a été créé à la rentrée avant l’ouverture, en 2025, d’une option latin à partir de la 5e. Un dispositif déployé dans le cadre du plan « attractivité » des collèges de Seine-Saint-Denis, lancé conjointement début septembre par le département et le rectorat de Créteil, et dont bénéficie Pablo-Neruda. L’ambition : financer des « sections attractives » dans des collèges défavorisés et qu’une partie des familles cherchent à éviter, afin d’y améliorer la mixité sociale et scolaire.

Vue sur la sortie du collège Pablo-Neruda d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 10 septembre 2024.

Plus de 50 % d’élèves boursiers

Le projet a tout de la gageure à Pablo-Neruda. Ce collège d’environ 650 élèves est établi en plein cœur du quartier prioritaire des Beaudottes, à cheval entre Aulnay-sous-Bois et Sevran, deuxième QPV le plus peuplé de France. Le taux de logement social y avoisine les 70 %, près de 40 % des 45 000 habitants vivent sous le seuil de pauvreté, quelque 30 % sont étrangers. Les cités adjacentes du Gros Saule et des Beaudottes sont aussi des plaques tournantes du trafic de drogue.

Une ségrégation urbaine dont le collège, classé éducation prioritaire renforcée (REP +), est le réceptacle : entre 50 % et 60 % de ses élèves sont boursiers et son indice de position sociale plafonne à 77 (la moyenne nationale est de 100). La concentration des difficultés est d’autant plus forte qu’une partie des familles dont les enfants sortent des écoles primaires du secteur, et qui le peuvent, préfèrent éviter l’établissement. Près de 20 % des élèves de CM2 du secteur ne sont ainsi pas inscrits à Pablo-Neruda.

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