Au Canada, un parc mythique amputé d’arbres multiséculaires

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Le parc Stanley et le pont Lions Gate, le 17 septembre 2020, à Vancouver, au Canada.

Impossible de se sentir en ville au milieu du Stanley Park, pourtant à deux pas des buildings de Vancouver, en Colombie-Britannique. S’y promener, c’est plonger au cœur de la forêt humide, celle qui oxygène et qui impressionne par sa splendeur. Ici, certains arbres sont en passe de souffler leur premier millénaire, ou dépassent les soixante mètres de haut. Près de vingt millions de personnes s’y pressent chaque année pour marcher parmi les pruches de l’ouest – de grands conifères –, les sapins de Douglas et les cèdres rouges, parfois larges de cinq mètres, dont l’odeur poivrée se mêle à celle de la mousse. L’humidité de la mer, en contrebas, a fait naître une nature sous stéroïdes.

Le vert pomme ne laisse guère apercevoir le bleu du ciel. Quoique depuis un an, les trouées se multiplient au milieu des géants. La responsable ? L’arpenteuse de la pruche (Lambdina fiscellaria), une espèce d’insecte qui décime le parc. Vorace, ce lépidoptère entaille les aiguilles qui virent au rouge et meurent, emportant rapidement l’arbre. D’autant que la sécheresse prolongée qui sévit dans l’ouest du Canada dope l’épidémie. C’est l’hécatombe. La firme de foresterie Blackwell estime que 160 000 arbres ont déjà été atteints. La mairie a demandé le retrait en urgence des arbres qui sont atteints, car ils peuvent tomber sur les passants.

Les militants du groupe Save Stanley Park refusent cette issue et veulent stopper les abattages. « C’est un endroit magique, la paix t’envahit aux pieds de ces arbres. Mais là, la magie s’en va, on rase la mémoire de la ville », soupire Michael Caditz, contemplant une large souche. Ses comparses et lui ancrent leur combat dans la défense des forêts côtières anciennes, une mobilisation en plein essor en Amérique du Nord face au réchauffement climatique. Ces écosystèmes majestueux figurent parmi les plus grands capteurs de carbone de la planète. Alors que les militants se promènent, un véhicule passe sur le chemin, avec du matériel de foresterie. « Vous allez encore en couper ? Stop !  », leur lance Jillian Maguire, enseignante, qui dit vouloir occuper à temps plein le parc, la semaine prochaine, si on ne l’écoute pas.

« Les clés de la forêt aux entreprises »

L’arpenteuse de la pruche fait partie de l’écosystème du parc, où 1 500 espèces
indigènes cohabitent, et ses ravages ne sont pas une nouveauté. « Ces coupes
empêchent le cycle de la forêt, qui a besoin des arbres morts. Elles déséquilibrent les 230 espèces d’oiseaux qui vivent ici. En autorisant ça, on a donné les clés de la forêt aux entreprises, comme on le faisait il y a cinquante ans »,
tonne Norman Oberson, contrôleur de risque forestier et membre de Save Stanley Park. L’industrie du bois a longtemps été la vache à lait de l’Ouest canadien. Près d’un tiers des emplois y était lié dans les années 1970, en Colombie-Britannique, et 345 000 Canadiens travaillent toujours dans ce secteur, le double de la France métropolitaine.

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