« Au camp de Mittelbau-Dora, l’indicible terreur des déportés à l’origine de la conquête spatiale »

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Le printemps 1945 fut évidemment en France un printemps de joie collective, marqué par l’achèvement de la libération du territoire national, la chute du régime nazi et la fin d’un conflit qui avait mis l’Europe à feu et à sang. Dans de nombreuses familles cependant, il fut aussi un printemps d’angoisse et hélas souvent de malheur, au fur et à mesure qu’étaient libérés les camps et qu’en revenaient les déportés. Ou non.

Notre mémoire est d’abord marquée par la folie génocidaire mise en œuvre dans les camps d’extermination, au premier rang desquels Auschwitz, où « dans les cendres, s’éteignirent les promesses de l’homme », comme l’écrivait Elie Wiesel [1928-2016] dans La Nuit (1955). N’oublions pas pour autant, et il n’est pas question ici de morbide concurrence des mémoires, les autres camps, dont la dureté des conditions d’existence conduisait aussi bien souvent à la mort, même si elle était moins immédiate ou systématique.

Plaque commémorative pour le 80e anniversaire de la libération des camps de Buchenwald et de Mittelbau-Dora, le 6 avril 2025.

Parmi les moins connus du grand public, il y a celui de Mittelbau-Dora [en Allemagne], camp satellite de Buchenwald sur lequel avaient reposé tant d’espoirs du Führer et de son état-major. C’était en effet l’usine secrète, creusée dans un massif montagneux pour échapper aux bombardements, où étaient fabriquées les fusées V2, armes révolutionnaires qui devaient renverser le cours de la guerre et donner l’avantage à l’Allemagne. Une production dans des conditions redoutablement cruelles, dont la réputation était bien connue des prisonniers de Buchenwald, qui craignaient de s’y faire affecter : « Eviter Dora, en somme, c’était éviter la mort. Eviter, du moins, la multiplication des chances de mourir », ainsi que le résuma Jorge Semprun [1923-2011] dans L’Ecriture ou la vie (1994).

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