Au Brésil, incendies et destruction de la nature inspirent les artistes

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LETTRE DE SAO PAULO

Extrait tiré de la vidéo « Transamazônica » (2014), de Luciana Magno.

Une chenille en acier, des débris de portière et des pièces calcinées qui semblent avoir été arrachées à un véhicule en flamme… Autant d’éléments intrigants, voire inquiétants, qui reposent sur une structure métallique aux allures de gril de barbecue. L’installation, œuvre de l’artiste Frederico Filippi, trône en majesté près de l’entrée de Panorama, la traditionnelle et prestigieuse biennale du Musée d’art moderne de Sao Paulo. Et cela ne doit rien au hasard.

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L’institution a en effet choisi d’intituler « Mille degrés » la 38e édition de son festival, où sont exposées plus de 130 œuvres d’artistes contemporains. « Au Brésil, l’expression “mille degrés” peut signifier, selon le contexte, quelque chose de très positif ou, à l’inverse, une situation extrême et tendue. C’est d’une ambiguïté tranchante ! », décryptent Germano Dusha, Thiago de Paula Souza et Ariana Nuala, les trois commissaires de l’exposition.

Pour les organisateurs, cette chaleur extrême évoque tout à la fois la « haute intensité » inhérente à la création artistique, mais aussi le réchauffement climatique et les incendies qui ravagent l’environnement au Brésil. Les pièces apportées par Frederico Filippi proviennent ainsi de tracteurs d’orpailleurs illégaux de la région d’Itaituba, en Amazonie, incendiés par la police. Placées sur un gril, elles représentent « notre autodestruction, notre propre cannibalisation comme civilisation », explique l’artiste, âgé de 40 ans.

« Moquém – Carnes de caça » (2023-2024), une installation de Frederico Filippi, à l’occasion de l’exposition « Mille degrés », au Musée d’art moderne de Sao Paulo.

« Dans mon travail, art et écologie se rencontrent », poursuit-il. Frederico Filippi est loin d’être le seul : à Panorama, des paysages désertiques signés du peintre Lucas Arruda croisent les portraits photographiques de Labo et Rafaela Kennedy, qui montrent des hommes aux allures d’inquiétants ninjas posant le visage ceinturé de feuilles tropicales.

D’abord un combat

Joseca Mokahesi Yanomami, dessinateur né en 1971 et issu du peuple yanomami, représente, à l’aide de crayons de couleur, des scènes de son village d’Amazonie, où les simples habitants cohabitent avec les xapiri, des esprits de la forêt prenant l’aspect de harpies maléfiques, de singes nocturnes ou de tortues jabuti. Mais, loin de tout exotisme esthétisant, l’art de Joseca Mokahesi est d’abord un combat. « Je ne dessine pas pour être regardé, mais pour être compris. Pour que le Blanc connaisse mieux la forêt et la protège, pour qu’il respecte nos peuples et notre culture indigène », insiste l’artiste.

Portraits tirés par les photographes Labo et Rafaela Kennedy, à l’occasion de l’exposition « Mille degrés », au Musée d’art moderne de Sao Paulo.

Aussi diverse soit-elle, la biennale Panorama n’est en réalité que la partie émergée d’un mouvement bien plus profond qui touche le monde artistique brésilien. Les plasticiens locaux sont aujourd’hui toujours plus nombreux à s’inspirer de la destruction de l’environnement, entre préoccupation, fascination, volonté d’agir et désir de sonner alerte.

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