Au Bénin, l’ONU demande la libération de l’opposant Joël Aïvo

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Le professeur de droit et et défenseur des droits humains Joël Aïvo.

La conclusion du Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA) des Nations unies adressée au gouvernement béninois et rendue publique mercredi 13 novembre est sans ambiguïté. « La privation de liberté de Joël Aïvo est arbitraire, indique-t-il dans un document de 17 pages que Le Monde a pu consulter. La mesure appropriée consisterait à le libérer immédiatement et à lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation, conformément au droit international. »

Joël Aïvo, professeur de droit et défenseur des droits humains au Bénin, a été arrêté le 15 avril 2021, soit quatre jours après l’élection présidentielle qui a vu Patrice Talon être réélu pour un deuxième mandat. « Incarcéré en raison de sa mobilisation et de son engagement politique en faveur de la démocratie », selon le GTDA, Joël Aïvo a été détenu « dans des conditions inhumaines, cruelles et dégradantes, en particulier du 16 avril au 9 juin 2021, où il aurait été aux côtés de 38 autres détenus dans une cellule surpeuplée et insalubre, d’anciennes toilettes publiques. »

Surnommé « le Professeur » par ses concitoyens, le constitutionnaliste a été condamné en décembre 2021 à dix ans de réclusion criminelle et à près de 68 000 euros d’amende pour « blanchiment de capitaux » et « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Pour de nombreuses ONG internationales, cette condamnation – qui a précédé de quelques jours celle de Reckya Madougou, ancienne garde des sceaux devenue opposante, à vingt ans de prison – illustre la dérive autoritaire depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon, en 2016. Autrefois réputé pour ses valeurs démocratiques, le Bénin a notamment été radié de la liste des « pays sûrs » par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

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« Le GTDA montre de manière décisive que l’arrestation, la détention et la condamnation du professeur Aïvo sont arbitraires et violent le droit international, fait savoir Ludovic Hennebel, son avocat français. J’invite les autorités béninoises à honorer leurs engagements internationaux et à respecter les recommandations des Nations unies en libérant immédiatement mon client. »

Soupçon de projet de « coup d’Etat »

Le jour même où l’avis du GTDA sur le cas de Joël Aïvo était rendu, Louis-Philippe Houndégnon, ancien directeur général de la police nationale, était interpellé par un commando armé à son domicile. « Il est un défenseur de la Constitution et des libertés du peuple béninois et sa vie est maintenant en danger en raison de ses engagements », a déclaré son directeur de cabinet, Bio Dogon Worou, dans un communiqué publié dans plusieurs médias béninois. Ces dernières semaines, d’anciens proches du président ont également été arrêtés et incarcérés à la prison de Cotonou. Parmi eux, Olivier Boko et Oswald Homeky, anciens membres du premier cercle présidentiel.

Olivier Boko, âgé de 60 ans, est un puissant homme d’affaires, patron du groupe Denrées et Fournitures alimentaires (DFA). Considéré comme un ami proche de Patrice Talon depuis plus de vingt ans, il était souvent présenté comme son « bras droit » bien qu’il n’ait jamais occupé de fonctions officielles. En affichant ses ambitions et en laissant penser qu’il se présenterait à l’élection présidentielle de 2026, il aurait suscité la colère du chef de l’Etat. Dans sa démarche, l’homme de l’ombre était soutenu par Oswald Homéky, 38 ans, ex-ministre des sports (2016-2023), qui était jusqu’alors considéré comme le « protégé » de Patrice Talon. Fin septembre, les deux hommes ont été arrêtés pour soupçon de projet de « coup d’Etat ».

D’après le procureur de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) – une juridiction « qui constitue de facto un organe chargé de poursuivre et de juger les opposants politiques », selon le GTDA –, ils auraient voulu remettre de l’argent au commandant de la garde républicaine, Djimon Dieudonné Tévoédjrè, dans la perspective d’organiser un putsch. Si les poursuites contre ce dernier ont été abandonnées, les deux anciens proches de Patrice Talon sont désormais accusés de « corruption d’agent public, blanchiment de capitaux, complot contre l’autorité de l’Etat ». Ils ont été placés en détention en attente de leur jugement.

En 2026, Patrice Talon arrivera au terme de son second mandat, le maximum autorisé par la Constitution béninoise, et ne pourra donc pas se présenter. « Il veut pouvoir désigner lui-même son successeur, indique une source proche du pouvoir. En dévoilant publiquement ses ambitions, Olivier Boko a commis une erreur qui pourrait lui être fatale. »

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