Après une plainte pour homophobie, la « cellule de déontologie » de la police devra enquêter sur sa propre hiérarchie

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« Pour moi, être homo c’est une maladie. » Prononcée par un de ses collègues, la sentence avait laissé Jérémy (le prénom a été changé) abasourdi, enfoncé dans son siège à l’arrière du véhicule de police. Dans l’enregistrement sonore, capté par son téléphone le 22 juin 2023, on entend le silence du technicien de police scientifique, qui encaisse, et ne répond que faiblement : « C’est grave ce que tu dis… »

Ce quinquagénaire dénonce ces remarques et attaques liées à son homosexualité depuis presque aussi longtemps qu’il les subit. Son histoire, déjà en partie racontée par Mediapart en 2024, est une succession d’appels à l’aide. Une première plainte, déposée en 2020 pour des faits survenus au cours des deux années précédentes sur ses anciens lieux de travail, dans le Val-de-Marne, a fait l’objet d’un non-lieu en novembre 2025.

Mais depuis son arrivée sur sa nouvelle affectation, en Seine-et-Marne, en 2021, il affirme avoir subi de nouveaux comportements homophobes, comme ce jour d’été 2023, dans une voiture de police. Il s’est donc rendu, en juin 2025, devant l’inspection générale de la police nationale (IGPN) pour déposer plainte, pour harcèlement sexuel et moral, et discrimination.

Devant la policière qui le reçoit alors, il explique avoir « été surnommé Michel faisant référence à Michel Fourniret », qu’une collègue « lors d’une discussion sans connotation sexuelle me demande si je suis actif ou passif » ou encore qu’un autre « a indiqué que les homosexuels étaient infidèles ». Il affirme également avoir dû alerter sa hiérarchie plusieurs fois en vain, avant qu’elle ne finisse par déclencher une enquête administrative, confiée à la « cellule de déontologie » de la direction interdépartementale de la police nationale de Seine-et-Marne.

« Non-sens »

La procédure judiciaire qui s’enclenche à la suite de sa plainte est, elle, pilotée par le parquet de Meaux. Le procureur de la République, qui peut librement choisir le service de police qu’il va charger de l’enquête, la confie également à cette « cellule de déontologie ». Ce service est composé de policiers répondant à la même hiérarchie que Jérémy et les fonctionnaires qu’il met en cause. « Un policier de la cellule de déontologie va donc devoir m’auditionner moi, ainsi que mon directeur interdépartemental, qui est aussi le sien », soupire Jérémy. « Cette saisine est un non-sens ; comment un policier peut-il enquêter sur ses propres voisins de bureaux, a fortiori quand sa propre hiérarchie est mise en cause ? », interroge également son avocat, Pierre Brunisso, qui a demandé au procureur de confier l’enquête à l’IGPN.

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