Plusieurs rumeurs annonçant la mort du prédicateur exilé aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, avaient circulé avant d’être démenties, ces dernières années. Les messages de condoléances sur les réseaux sociaux des membres de la confrérie sont venus confirmer, lundi 21 octobre, la disparition à l’âge 83 ans de l’une des figures les plus sulfureuses de l’histoire récente de la Turquie.
Le développement patient et méthodique du Hizmet (« service » en turc) depuis les années 1960 avait transformé Fethullah Gülen en acteur incontournable de la scène politique turque. Le parti islamo-conservateur AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) avait entretenu des relations de proximité avec le mouvement jusqu’aux années 2010. La montée progressive des tensions entre les deux camps avait atteint son paroxysme en 2016, lors de la tentative de coup d’Etat du 15 juillet au cours de laquelle 252 personnes avaient été tuées et 2 700 blessées.
Universités, organes de presse, associations et autres institutions liées à la confrérie Gülen – rebaptisée FETÖ (« organisation terroriste fétuhaliste ») – avaient été fermées lors de vastes opérations de « nettoyage » menées au lendemain du 15 juillet. Cent trente mille personnes ont été exclues de la fonction publique et des milliers de membres – réels ou supposés – de la confrérie avaient été jetés en prison sur le fondement de preuves parfois fragiles.
Des membres réfugiés à l’étranger
Pour échapper à ce règlement de comptes, des dizaines de milliers de ressortissants turcs se sont exilés en Europe, notamment en Allemagne ; 80 000 y ont demandé l’asile depuis 2016, rapporte le magazine Der Spiegel. S’il est difficile d’évaluer à combien s’élève le nombre de membres de la confrérie parmi eux, la recomposition des cercles de sociabilité (environ 300 associations) et les activités de lobbying menées en faveur de la confrérie attestent de leur présence sur le territoire. Les sites d’information comme BoldMedya et Tr724 poursuivent une ligne éditoriale pro-Gülen au sein de la diaspora.
« Il y a une forme de naïveté qui persiste en Allemagne sur la véritable nature de la confrérie », s’alarme Can Dündar, ancien rédacteur en chef du quotidien d’opposition Cumhuriyet en exil à Berlin. « Même au sein des renseignements, des personnalités de haut rang continuent d’affirmer qu’il s’agit d’un mouvement pacifiste… Leurs activités de lobby sont très puissantes. »
Preuve que les activités politiques du mouvement se poursuivent, un documentaire préparé par le journaliste sur la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 pour la chaîne allemande ZDF a provoqué l’ire des membres de la confrérie réfugiés en Allemagne, qui ont tenté d’en faire interdire la diffusion. « Je suis convaincu qu’une grande partie des anciens procureurs et des anciens militaires de la confrérie se cachent en Allemagne », poursuit-il.
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