La mort du chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, tué vendredi 27 septembre dans un bombardement massif israélien dans son bastion de la banlieue sud de Beyrouth, n’a pas mis fin à l’offensive israélienne contre le pays du Cèdre. Cette dernière s’accompagne désormais d’opérations terrestres. Leur objectif est clair : repousser plus au nord la menace que constitue pour l’Etat hébreu la milice chiite, peut-être jusqu’à la frontière que trace le fleuve Litani. La résolution 1701 adoptée par les Nations unies à l’issue de la guerre qu’Israël n’était pas parvenu à remporter à l’été 2006 en fixait notamment l’objectif.
Une nouvelle fois, le Liban se transforme donc en champ de bataille par procuration pour les deux ennemis irréductibles du Moyen Orient. Il s’agit de l’Etat hébreu et de la République islamique d’Iran, le parrain militaire et politique de la milice décapitée par deux semaines d’une campagne de bombardements particulièrement destructeurs.
Le dernier cycle d’affrontements avait débuté il y a un an lorsque le Hezbollah avait frappé le nord d’Israël en signe de soutien au Hamas palestinien après l’attaque du 7-Octobre au cours de laquelle avaient été perpétrés les pires massacres de civils israéliens. La milice chiite s’était pourtant gardée, jusqu’à ces dernières semaines, de toute forme d’escalade, manifestement sur le conseil de son mentor. Le régime iranien n’avait lui-même pas répondu à l’affront qu’avait constitué l’assassinat par Israël du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, sur son propre sol, le 31 juillet.
Ces aveux de faiblesse, ajoutés aux efforts pour parvenir à un cessez-le-feu à Gaza qui aurait permis la libération des derniers otages israéliens encore vivants détenus dans l’enclave, pouvaient ouvrir la voie à une désescalade. Ils ont au contraire été mis à profit par l’armée israélienne pour passer à l’action sur sa frontière nord après la fin des opérations d’envergure qui ont ensanglanté comme jamais la bande de Gaza, transformée en un champ de ruines.
Discrédit
Après la victoire qu’avait constituée en 2000 le retrait israélien du Liban sud obtenu sous sa pression militaire, le Hezbollah n’a cessé d’imposer ses choix aux Libanais, quelles qu’en soient les conséquences. Son rôle présumé dans les assassinats d’opposants politiques, à commencer par celui de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, en 2005, en coordination manifeste avec le régime syrien, a compromis son image au Liban, comme les efforts déployés pour empêcher la restauration d’un véritable Etat qui finirait, tôt ou tard, par lui demander des comptes. Sa participation à la guerre civile syrienne, après le soulèvement populaire de 2011, pour sauver Bachar Al-Assad, a encore alimenté son discrédit. L’offensive que l’Etat hébreu présente comme un acte de légitime défense couronne cette décennie funeste.
Israël veut forcer son avantage, sans se soucier des conséquences pour les Libanais. Ce calcul est à très courte vue. La nature protéiforme du Hezbollah, milice qui n’a pas rechigné aux attentats par le passé, mais également parti politique, rappelle qu’il est adossé à une communauté chiite constitutive de la mosaïque confessionnelle libanaise. L’offensive israélienne frappe en outre un pays quasi failli, paralysé politiquement, et économiquement exsangue. Ajouter du chaos au chaos ne peut produire une stabilisation qui serait le prélude indispensable à un début de reconstitution du Liban. Israël aurait pourtant tout à y gagner.