« Actes de la recherche en sciences sociales » analyse le « champ » bourdieusien sous le prisme international

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La revue des revues. A quel point mes goûts culturels, mes choix professionnels ou mon orientation politique sont-ils déterminés par le milieu dans lequel j’évolue ? Au début des années 1970, Pierre Bourdieu renouvelle ce débat – aussi ancien que la sociologie – en proposant le concept de « champ », qui explique l’action des individus par leur appartenance à un milieu spécifique, qu’ils participent à transformer en retour. Le champ est une sphère sociale autonome, régie par ses propres règles et systèmes de valeur, et structurée par des rapports de pouvoir. Le numéro de septembre 2024 de la revue Actes de la recherche en sciences sociales (coédition Seuil-Ehess), fidèle à son fondateur, explore comment l’étude des relations internationales s’est récemment emparée de cette notion de « champ », et contribue à l’enrichir en retour.

Il a fallu attendre les années 1990 pour que le monde universitaire américain applique ce concept bourdieusien à des objets internationaux. Parler de champ « conduit à appréhender les agents (y compris les individus ou les Etats) et leurs pratiques (…) en termes relationnels », explique le sociologue Julien Go, et permet donc d’apporter de la complexité à l’analyse.

Didier Georgakakis, professeur de science politique, rappelle dans un entretien comment le concept de « champ de l’eurocratie » a permis de sortir d’une approche institutionnelle de l’Union européenne. Le « compromis européen » est en réalité le fruit de batailles et d’effets de domination internes, relève-t-il. De même, l’intervention militaire française au Mali gagne à être comprise sous le prisme du champ international, qui met l’accent sur les rapports de pouvoirs dans la politique française, les contingences de l’histoire et l’importance des relations avec d’autres Etats, démontre Florent Pouponneau.

Multiplication des rapports de pouvoir

Après l’apport de la sociologie du champ à l’étude des relations internationales, Florent Pouponneau et Karim Fertikh, coordinateurs de ce numéro, souhaitent « étudier ce que l’analyse de phénomènes dits “internationaux” fait, dans une sorte d’“effet boomerang”, aux concepts ou aux pratiques des sociologues ». Dans un article sur les groupes d’intérêts européens – les lobbys –, Hélène Michel, professeure de science politique, invite la sociologie française à adopter un « réflexe Europe » pour porter un autre regard sur des objets sociologiques bien connus. La « démocratisation », par exemple, se traduit au sein de l’UE par une exigence de transparence et une participation citoyenne – par les « grands débats » – plus que par des institutions représentatives comme le Parlement européen.

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