
Il y a plus d’un siècle, la multiplication des dommages causés par les machines et l’intensification des accidents industriels dont nul n’assumait la responsabilité déclencha une révolution juridique de grande ampleur en Europe.
L’adoption de la directive européenne sur le devoir de vigilance des multinationales (dite « CS3D ») [qui engage la responsabilité de celles-ci devant les tribunaux afin qu’elles préviennent et réparent les violations des droits humains ainsi que les atteintes graves à l’environnement qui seraient le fait de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants], en mai 2024, s’inscrit dans la continuité de cette immense lutte pour les droits des travailleurs.
L’objectif du devoir de vigilance est simple : empêcher les multinationales de continuer à détruire l’environnement, violer les droits humains ou exploiter des enfants ou des esclaves en se cachant derrière leurs filiales ou leurs fournisseurs étrangers. Mais un an et demi après son adoption, la directive sur le devoir de vigilance ne tient plus qu’à un fil. Comment en est-on arrivé là ?
Agenda trumpiste
La droite européenne n’a au fond jamais admis la révolution juridique que représente le devoir de vigilance, et l’offensive a commencé lorsque la Commission européenne a lancé en février 2025 la directive dite « Omnibus ».
Sous le couvert de la « simplification » des régulations européennes, l’« Omnibus I » dévoilé par le Commissaire européen, Stéphane Séjourné, le 26 février, pourrait finalement aboutir au démantèlement pur et simple du devoir de vigilance et voir triompher la volonté conservatrice de revenir sur les principales avancées environnementales, sociales et en matière de droits humains votées en Europe ces dernières années.
Radicalisée au Parlement par la nouvelle majorité politique issue des élections européennes de 2024 marquées par une percée des forces de droite et d’extrême droite, la directive « Omnibus » transformée traduit à la fois la faiblesse des institutions européennes face aux assauts des lobbys industriels (ExxonMobil, TotalEnergies, Siemens…) et un alignement progressif de l’Europe sur l’agenda des Etats-Unis trumpistes.
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