A Venise, les habitants de Mestre se mobilisent contre le trafic de drogue et la corruption

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« Reprenons la ville », est-il écrit sur les affiches pour la manifestation du 28 septembre 2024 en hommage à Giacomo Gobbato, tué quelques jours plus tôt à Mestre.

Samedi 28 septembre, plus de 10 000 personnes défilent en silence dans les rues de Mestre, localité de Venise située en face de la lagune, sur la terre ferme. La marche a été organisée après la mort de Jack, le surnom de Giacomo Gobbato, 26 ans, poignardé dans la nuit du 20 septembre, alors qu’il défendait une femme victime d’un vol, à quelques kilomètres du centre touristique de la capitale de Vénétie.

Tout au long du parcours, de la gare au centre-ville, des habitants, accoudés à leur fenêtre, applaudissent le cortège. Après le drame, des Vénitiens en colère se sont spontanément rassemblés afin d’imaginer ensemble une ville différente.

Ces dernières années, à Mestre, les vols et incidents violents, notamment liés au trafic de drogue, n’ont cessé d’augmenter. L’héroïne fait des ravages, avec des consommateurs de plus en plus jeunes. Venise est, avec Rome, la ville italienne qui compte le plus de morts par overdose. Sept victimes, déjà, depuis le début de l’année, selon le site italien Geoverdose. Les services de santé locaux dénombrent environ 2 000 consommateurs pris en charge pour toxicomanie, un chiffre qui sous-estime ­forcément le nombre total ­d’usagers de drogue.

Sentiment d’abandon

Parallèlement, alors que le surtourisme s’étend sur la Vénétie, entraînant une spéculation immobilière et une augmentation des loyers, des quartiers entiers de la ville se vident d’une partie de leurs résidents. Pour illustrer cette saignée démographique aux graves conséquences économiques, l’artiste Freak of Nature a peint il y a deux ans les devantures de tous les magasins vacants au centre de Mestre, soit près de 150 vitrines. Dans les rues désertées, dans les immeubles ­désaffectés, où se sont immiscées les organisations criminelles, les Vénitiens encore présents vivent avec un sentiment d’abandon et parfois de peur.

Le maire, conservateur, Luigi Brugnaro, ex-homme d’affaires élu en 2015 avec l’onction de la Ligue du Nord, a toujours placé la sécurité au cœur de ses campagnes électorales. Au cours de l’été 2018, il a organisé une spectaculaire opération contre le trafic de drogue, en fermant à la circulation toutes les rues autour de la gare de Mestre, faisant intervenir la police et l’armée, hélicoptères à l’appui : 25 personnes ont été arrêtées.

Après l’assassinat de Giacomo Gobbato, l’élu a continué à réclamer au ministre de l’intérieur d’envoyer toujours plus de soldats pour mener des opérations de maintien de l’ordre. Mais l’approche purement répressive suivie par son administration depuis neuf ans, assortie de sérieuses coupes budgétaires dans les services sociaux, n’a pas produit les résultats escomptés. Ces derniers mois, une série d’enquêtes et de mises en examen touchant le maire et ses conseillers municipaux pour « corruption » semble par ailleurs avoir éloigné un peu plus encore la municipalité des attentes de ses administrés.

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