A Prague, les filles de l’écrivain Boualem Sansal, détenu en Algérie, se disent « impuissantes »

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Une bannnière de soutien à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, à Béziers, le 26 mars 2025.

Les deux filles de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, ont fait part à l’Agence France-Presse (AFP) de leur « sentiment d’impuissance totale » depuis la République tchèque, où elles habitent, pour obtenir la libération de leur père. Rencontrées à l’ouverture du salon du livre de Prague, Nawal, 53 ans, et Sabeha, 50 ans, ont réceptionné, jeudi 15 mai, un prix pour la promotion de la liberté d’expression décerné à leur père.

« Il est triste que des personnes soient emprisonnées pour avoir librement exprimé leur opinion et, malheureusement, notre père est l’une de ces personnes », a déclaré l’aînée après avoir reçu la distinction. « Dieu seul sait dans quel état mental il se trouve », car il est « isolé, sans aucune information », a-t-elle déploré auprès de l’AFP. « La seule personne autorisée à lui rendre visite, c’est probablement sa femme, mais nous ne savons rien » et elle est surveillée, a-t-elle ajouté.

Alors que le dissident, atteint d’un cancer, suit « actuellement un traitement de radiothérapie », ses filles ont échangé pour la dernière fois par courrier électronique avec lui en 2023 et n’ont aucune nouvelle, à part des coupures de presse que leur font passer l’ambassade tchèque à Alger. Elles ont adressé une lettre ouverte au président français, Emmanuel Macron, et écrit à son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. « Nous avons aussi écrit à mon père. Mais nous n’avons pas reçu de réponse, il ne s’est rien passé », explique Nawal. Perdue face aux méandres du système algérien, elle envisage de contacter des organisations comme Amnesty International pour accentuer la pression.

« Un vrai patriote »

Nées en Algérie, les filles de Boualem Sansal ont vécu en Tchécoslovaquie, le pays de leur mère, après la séparation, dans leur petite enfance, de leurs parents, qui s’étaient rencontrés dans le cadre d’un échange universitaire. Le régime communiste les surveillait, comme toutes les personnes ayant de la famille à l’étranger, et, si elles ont passé leurs vacances à Alger chaque année, Nawal n’y est plus retournée depuis l’âge de 20 ans et n’a pas revu son père depuis. Sa sœur et elle habitent toujours près de Prague.

Arrêté mi-novembre à l’aéroport d’Alger, l’écrivain âgé de 80 ans a été condamné fin mars à cinq ans de prison pour, entre autres, atteinte à l’intégrité du territoire algérien. Il lui est reproché d’avoir repris à son compte la position du Maroc, selon laquelle le territoire de ce pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. Il a fait appel. « Je crois que mon père est un pion ou une monnaie d’échange, une sorte d’otage, parce qu’ils essaient probablement d’obtenir la libération de certains terroristes condamnés en France », a détaillé Nawal, sa sœur Sabeha saluant en lui « un vrai patriote ».

L’Algérie et la France traversent depuis l’été dernier une crise diplomatique marquée ces derniers jours par une nouvelle série d’expulsions de fonctionnaires de part et d’autre. Toutes les coopérations sont gelées. Athée, Boualem Sansal est critique d’un pouvoir qui, selon lui, se maintient depuis trop longtemps contre la volonté des Algériens. « Il contrôle totalement le pays et dispose de tous les moyens », estimait-il dans Le Figaro en 2019.

Le Monde avec AFP

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